Extrait du journal
Car il y a une affaire des < réfugiés », des réfugiés espagnols s'entend. La Chambre s'en est même occupée hier, au milieu d'un certain tintamarre, et, quoiqu'elle soit connue, peut-être n'est-il point inutile d’y revenir. A la suite de la retraite de Catalogne, sans aucun combat, 500.000 < réfugiés >, hommes, femmes, enfants, combattants et miliciens, avec leur matériel, parcs automobiles, chevaux et troupeaux, ont passé la frontière. La France, conformément aux principes du droit d'asile et à sa générosité innée, les a reçus et hébergés du mieux qu'elle a pu. Jusqu’ici, rien à dire. En 1871, la Suisse avait reçu notre armée de l'Est, encerclée de toutes parts par les forces prussiennes, et entoura nos malheureux vaincus des soins les plus affectueux. Cela nous coûta plus de douze millions de francs, que nous remboursâmes intégralement jusqu'à fin 1872, tout en payant l’indemnité de cinq millards que nous imposa Bismarck et tout le monde trouva que c’était très bien. Mais il en va tout autrement pour les réfugiés espagnols. D’abord, l’Espagne de Franco ne veut pas les recevoir en totalité et personne ne veut des indésirables — et ils sont nombreux — pas même la Russie, en ce qui concerne les fameuses brigades internationales chères à M. André Marty. Et puis, personne ne veut participer à leurs frais d’entretien et d’hébergement, lesquels s’élèvent au chiffre coquet de sept millions et demi par jour. Personne, c'est-à-dire l’Espagne, qui invoque son manque de ressources, et pas davantage la Russie, qui a généreuse ment offert cinq millions, alors qu’elle continue à financer la folle résistance des communistes à Madrid ! Et, comme nous avons commis l’imprudence de consentir à Franco la restitution des < avoirs > en France : dépôts d’or, titres, trésors d’art, matériel de guerre, flotte, etc., avant d’avoir réglé la question des « réfu giés >, c’est nous qui allons payer, puisque la Société des Nations, qui s est cependant occupée, en son temps, des Arméniens, des Chinois ou des Israélites allemands, ne semble pas plus se soucier des Espagnols que d’une pomme ! Or, nous en sommes déjà à 207 millions de débours, tant pour les dépenses du Comité de non-intervention que de celles afférentes aux ressortissants français en Espagne et aux réfugiés. Et le Gouvernement demande à nouveau 150 millions pour aller jusqu’au 15 mars, et il en faudra d’autres si les < réfugiés * n'ont pas quitté notre territoire d’ici cette date, et ils ne semblent pas très presses de le quitter ! On nous dit bien que Franco est disposé à en reprendre 350.000. Si c'est à la cadence de 350 par jour, il y en a pour trois ans ! Tout de même, c'est le cas de répéter que bonté ne signifie pas sottise. Nous voulons bien être humains, généreux, et tout ce qu'on voudra, mais nous ne voulons pas être stupides. Quant à ce qui est de les garder pour repeupler nos campagnes et parer à la crise de la dénatalité — encore un slogan ! — nous prions simplement qu'on demande, là-dessus, l’opinion des paysans socialistes et communistes des Pyrénées-Orientales, qui ont vu leurs vergers et leurs vignobles, saccagés, par les.* réfugiés », Jls-aceepteront certainement avec joie qu’on les envoie n’importe où, pourvu qu’ils en soient débarrassés. Telles sont les conséquences, pour notre pays, de l’aventure espa gnole. En vérité, si nous étions intervenus, conformément aux vœux des Moscoutaires, cela ne nous aurait peut-être pas beaucoup coûté plus cher, question mise à part des vies humaines, ce qui a tout de même son importance. Ce n’est peut-être pas l’opinion de M. Marty, dont on dit qu’il fit fusiller des ouvriers venus pour travailler, parce qu’ils refusaient de prendre le fusil, mais c’est la nôtre. Et, ces conséquences, cependant déjà fâcheuses, ne sont pas les seules. L’affaire espagnole n’est pas encore close définitivement. Les pays totalitaires l’exploitent encore : revendications méditerranéennes par l'Italie fasciste ; plan d'attaque brusquée par la Hollande et les cantons nord de la Suisse par le Reich hitlérien, dont nous entretenaient hier Les Débets. En sorte que lorsqu’on croit que tout va être fini, tout recommence. Comment, dans ces conditions, les démocraties occidentales pour raient-elles demeurer indifférentes ? Il faut bien qu’elles se tiennent prêtes à tout, et, si douloureux que cela soit, il nous faut bien consentir les nouveaux sacrifices que chaque jour amène. C’est l’Angleterre qui vote 35 milliards de dépenses nouvelles pour son armée de l’air et qui annonce que, en cas de conflit, elle enverrait sur notre continent, immé diatement, un corps expéditionnaire de 19 divisions (200.000 hommes) au lieu de la ridicule petite armée de 7 divisions de 1914. C’est nous, qui sommes obligés de prolonger la durée d’application de la loi de deux ans, pour trouver les cent mille hommes qui nous man quent par suite de l’insuffisance de notre natalité, et qui, dans le même temps, réaménageons nos périodes d’instruction, qui vont devenir plus courtes, mais plus nombreuses, afin de tenir nos réserves en haleine. Coût : 60 millions en plus pour 1939, et 170 millions à partir de l'an prochain, sans compter les cent mille hommes supplémentaires de l'active à entretenir dans les casernes î Et dire que, sans la guerre civile d’Espagne, nous n’en serions peut-être pas là ! Que toute notre attention, et celle de la GrandeBretagne, eût été portée sur les faits et gestes des pays totalitaires ; que nous eussions peut-être pu empêcher l’Anschluss et l’affaire des Sudètes, et que, très certainement — l’appétit venant en mangeant — Mussolini n'aurait peut-être pas eu à penser à la mare nostrum ! Béni soit le pays de Sancho Pança ! Il nous avait déjà été fort seeourable pendant la grande catastrophe 1914-1913 ; il se devait bien, de surcroît, de mettre le monde sens dessus dessous î...
À propos
Fondée en 1893, La Dépêche du Berry était un journal régional suivant une ligne éditoriale de centre-gauche, ou « radicale ». Il paraît jusqu'en 1944.
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