Extrait du journal
L’annonce des projets financiers, dont on parlait depuis quelque temps déjà, à mois plus ou moins couverts, a provoqué une vive émot-on dans l’opinion publique. Il en est toujours ainsi quand on s’attend à quelque chose qu’on ne peut exactement préciser. A l’heure où nous écrivons, du reste, on n’est pas encore très fixé sur la nature et l’étendue des charges fiscales qui vont à nouveau tomber sur les épaules des infor tunés contribuables. Ces charges nouvelles, nous devions les connaître de prime abord. Ainsi en avait décidé le Conseil de Cabinet de lundi qui. du reste, pour se mettre d’accord, dut se diviser en autant de sections qu’il compte de partis représentés. On s’est brusquement ravisé, et au lieu d’un projet précis pour la discussion duquel on devait demander la procédure d’extrême urgence, on s’est rabattu sur un simple article de loi autori sant le Gouvernement à prendre, par décrets délibérés en Conseil des Ministres. < toutes mesures propres à assurer le redressement des finan ces publiques, et à parer aux attaques contre l’épargne, la monnaie et le crédit public. > Pourquoi cette volte-face ? Recevant la presse à l’issue du Conseil ries Ministres de mardi matin. M. Vincent Auriol aurait expliqué que tout était préparé pour un débat publie, quand se déclencha une offens ve spéculative de grand style qu’il fallait briser immédiatement sous peine de risques graves. I)e là Vidée d’un projet restreint, armant sans Vêlai le Gouvernement pour la défense du franc. On nous dit que les pouvoirs demandés ne le seraient que pour une Période limitée — jusqu’au 31 juillet, vraisemblablement — et que les decrets pris seraient soumis à la ratification du Parlement dans les trois mois et, au plus tard, à la première séance de la session extraordinaire. On pourrait observer qu’il n’a pas fallu plus de temps au ministère I aval-Régnier pour prendre, en 1935, toute la série des fameux décretslois si impopulaires. Quant à la ratification du Parlement, on ne pourra peut-être pas s’en passer cette fois-ci — les décrets-lois Doumergue et I aval n’ont, en effet, jamais été ratifiés — s’agissant de la création ou de l’augmentation d’impôts et de taxes qui sont du seul pouvoir de la loi. Mais ce n’était vraiment pas la peine d’avoir tant critiqué la pro cedure des < décrets de misère », pour tomber dans le même travers, lemarque faite que les premiers décrets avaient pour but de faire des économies pour éviter des charges nouvelles, tandis que les seconds consacreront ces charges nouvelles. Nous entendons bien qu’on s’en défend, si nous en croyons le communiqué de la Présidence de Conseil oui proteste de l’intention du Gouvernement d’imposer de nouveaux droits sur certains produits de consommation courante, tels que l’essence. 1® sucre, le café, la chicorée, etc... ; mais sait-on jamais, et ne se chu chote-t-il pas. par ailleurs, qu’on demanderait la bagatelle de cinq milliards aux recettes des chemins de fer, des P. T. T. et des tabacs ? Quoiqu’il en soit, voici le Parlement saisi, de la part du Gouverne ment de Front populaire, d’une autorisation de « pleins pouvoirs éco nomiques et financiers », dont la Chambre n’a pu encore se dépêtrer. Pour du nouveau, on avouera que c’en est, car on était bien loin de s’attendre à ce que M. Léon Blum fût si désireux de chausser les bottes de ses devanciers, surtout pour de semblables fins ! C’est bien le moment de dire qu’il ne faut jamais jurer de rien. M. îyéon Blum s’était promis de ne jamais faire la dévaluation : il l’a faite. Il s’était juré de gouverner pour et par les masses des ouvriers : il n’a pu éviter le conflit sanglant de Clichy. Le voici maintenant, lui c.tii protesta tant, avec son parti et avec les communistes, contre les pleins pouvoirs demandés par MM. Poincaré, Doumergue et Laval, acculé à demander à la Chambre du Rassemblement populaire d’abdiquer entre ses mains. Décidément, on aura tout vu ! Et tout cela pour avoir, par une politique à tout le moins incon sidérée. provoqué une crise financière redoutable dont on peut dire que si des mesures immédiates n’étaient pas prises pour y porter remède, die pourrait conduire le pays à la catastrophe. Ce qui est grave, c’est que, le Gouvernement s’étant mis dans ve mauvais cas, il place, du même coup, les sincères démocrates que comptent encore les deux Chambres dans le plus cruel embarras. Où ils accorderont les pleins pouvoirs demandés, et ils se mettront en contradiction avec leurs principes, où ils les refuseront, et on ne manquera pas de les rendre responsables de ce qui pourra advenir. C’est surtout au Sénat que se posera ce cas de conscience, la Cham bre en ayant déjà pris son parti, cette nuit, au cours d’une séance dramatique où toutes les alternatives se firent jour, jusques et y compris la dislocation du Front populaire, le Parti communiste ayant décidé de s’abstenir, et .n’étant revenu sur sa décision qu’à la dernière minute, après qu’il eut offert de participer à une nouvelle formation gouverne mentale. Voilà où nous en sommes, après un an d’expérience Blum. Natu rellement, on accuse le « mur d’argent », les < deux cents familles » ; ("est plus facile que de faire son propre examen de conscience et de îeconnaitre scs propres fautes. Elles sont cependant lourdes, et le Ras semblement populaire, qui célébrait tapageusement son anniversaire, il y a quelques jours, pourrait bien risquer, par les pleins pouvoirs qu’il sollicite, de provoquer à brève échéance, le commencement de sa fin !...
À propos
Fondée en 1893, La Dépêche du Berry était un journal régional suivant une ligne éditoriale de centre-gauche, ou « radicale ». Il paraît jusqu'en 1944.
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