Extrait du journal
Les chantiers de l'Exposition sont demeures en activité pendant le week-end de Pentecôte. Activité réduite s'entend, mais enfin activité quand même. Il semble, du reste, que ce réveil du bons sens soit bien tardif, et quelle que soit l'ardeur que voudront bien y mettre les ouvriers dans ces tout derniers jours, rien ne pourra éviter l'irréparable désastre que les esprits clairvoyants dénoncent depuis des mois. C’est il y a quatre mois, lors de la visite et de l’appel du Président c’u Conseil, et alors qu'il en était temps encore, que les travailleurs du bâtiment auraient dû consentir à en mettre un coup. En faisant les trois huit par équipes de roulement — ou même les cinq huit — on y serait arrivé, et la France n'aurait pas eu à donner au monde, lundi prochain, le spectacle humiliant d'une inauguration ratcc. Bien entendu, l'Exposition sera quand même un succès, quand les gars du bâtiment auront consenti à la terminer, car nous sommes bien ton vaincus que ce ne sont point les discours prononcés, dimanche der nier, à Saint-Léonard, par MM. Léon Blum et Charles Spinassc, qui les feront revenir sur leur froide détermination. Le Ministre de l'Economie Nationale a eu cent fois raison de rap peler que « la discipline est nécessaire » et qu’ < il ne faut pas confondre liberté avec licence », mais il est un peu tard pour le faire entendre. C’est au début du Gouvernement de Rassemblement populaire qu’il eût fallu tenir ce langage, et sur le ton d’une telle fermeté que chacun l’eût compris. Mais quoi, on a laissé à tout le monde la bride si longue, et pendant si longtemps, qu’on n’admet plus maintenant un parler qu’on .s'est déshabitué à entendre et à comprendre. Et cependant, que n'aurait-on eu besoin de recommandations et d’ordres rudes et mâles pour éviter de tomber dans le pétrin où nous sommes jusqu’au cou. Travailler, produire davantage, est-ce. que ça ne devait pas être la loi pour tous, en compensation de toutes les réformes sociales obtenues sans coup férir. On devait cependant bien se douter «.te ce qui allait arriver en laissant aller à l’indolence et à l’inactivité : montée des prix en flèche et impossibilité matérielle de les suivre. Mais surtout l’impuissance totale de faire face à nos besoins intéi leurs, et nécessité inéluctable de faire appel aux importations. Préci sément, l'administration des douanes vient de communiquer le résultat de notre commerce extérieur pour les quatre premiers mois de l’année. Comparés à ceux de la même période de 1936, ils sont singulièrement édifiants. Nos importations présentent une augmentation de 5.375 millions et nos exportations une augmentation de 2.402 millions, en sorte qu’à hn avril notre balance commerciale est déficitaire de 6.245 millions, contre 3.273 millions à fin avril 1936. Et, pour qu’on ne nous accuse pas d'exagération, nous donnons les chiffres exacts : Importations des quatre premiers mois de 1937: 13 milliards 524.567; en 1936 : 8 milliards 149.553 ; soit, en plus, 5 milliards 375.014. Exportations des quatre premiers mois de 1937: 7 milliards 279.608 ; en 1936 : 4 milliards 876.898 ; soit, en plus. 2 milliards 402.710. On voit ainsi de quelle manière notre pays s’enrichit, et comment nous pouvons soutenir dans le monde notre monnaie. La valeur des importations ayant progressé dans des proportions beaucoup plus consi dérables que celle des exportations. 66 f\ contre 49 re, le résultat est une aggravation du déficit de la balance, ce qui est loin d’être réconfor tant. Nous entendons bien que ce n’est pas là un sujet très gai, mais il faut avoir le courage de regarder la vérité en face. En achetant, surtout à l’étranger, davantage que nous lui vendons, c’est une partie de notre substance qui s’en va. Les francs que nous exportons ne rentrant pas sous forme d'achats de marchandises en France, sont, ou convertis en devises étrangères, à moins —- ce qui est plus grave — qu’ils ne servent à spéculer sur le change de notre monnaie nationale. En sorte que nous forgeons nous-meme l’outil de notre débâcle ! Voilà ce que tout chacun devrait comprendre, même les moins initiés, et c’est pourquoi nous nous obstinons, contre vents et marées, à demander à tous de la réflexion et de la volonté. Nous glissons sur une pente fatale ; nous pourrions encore nous cramponner à quelques aspé rités et remonter la pente. Mais si nous ne savons pas comprendre e t vouloir, il sera bientôt trop tard, et nous culbuterons jusqu'-au fond du précipice. Eboulement d’un coteau en Touraine...
À propos
Fondée en 1893, La Dépêche du Berry était un journal régional suivant une ligne éditoriale de centre-gauche, ou « radicale ». Il paraît jusqu'en 1944.
En savoir plus Données de classification - yvon delbos
- léon blum
- alexandre pot
- richelieu
- roper
- rivière
- rogers
- desbruères
- girault
- giroult
- paris
- france
- berry
- bourges
- londres
- aix-les-bains
- bruxelles
- italie
- orsay
- suisse
- agence havas
- quai d'orsay
- dépêche
- la république
- union postale
- société des nations
- a. c.
- associations de mutilés
- a. r.
- m. d