Extrait du journal
La journée de jeudi comptera dans les annales parlementaires, tant en France qu'en Grande-Bretagne. A la même heure, en effet, se dérou laient, aux Communes et au Sénat, des débats qui, pour être d'un objet totalement différent, n’en retenaient pas moins toute l’opinion. A Londres, M. Neville Chamberlain s’expliquait sur la position de l'Angleterre et de ses Dominions à l’égard des possibilités d’un conflit mondial, et notamment dans le cas d'un coup de main du Reich sur la Tchécoslovaquie. On a enregistré, avec une certaine satisfaction, cette fois-ci, les déclarations du Premier britannique sur les obligations découlant du pacte de Locarno et de la S. D. N. Ces déclarations ont été, certes, encore enveloppées de nuances, et, pour tout dire, assez réticentes, mais la manière anglaise n'est pas la nôtre, et il ne faut pas demander l’impossible. Au Sénat, ce fut une grande « première », et le Palais du Luxem bourg, solennel et un peu délaissé à l'ordinaire, fit recette. La première rencontre entre M. Léon Blum avec les « vieux » du suffrage restreint était escomptée comme prometteuse d'incidents, et peut-être même d’un drame, mais il n’en fut rien, au moins sur l’heure. On connaît la question dont il devait être débattu et la position des belligérants. M. Léon Blum avait obtenu de la Chambre, non sans quelques résistances et bouderies indicatrices d’ailleurs, les neuf milliards d'avances qu’il convoitait de la Banque de France. Il ne les avait obtenus qu’à cent voix de majorité, et il est à noter que le groupe radical et radical-socialiste s’était rude ment fait tirer l’oreille, puisqu’il ne s’était déterminé que par 16 voix contre 14 et 4 abstentions, sur les 110 membres qu’il compte ! C’est dans ces conditions que la Commission des Finances de la Haute-Assemblée se saisit de la question dans l’après-midi de samedi. Son rapporteur général, M. Abel Gardev, proposa de < piano » de fusion ner les deux projets en un seul et de n'accorder que cinq milliards d’avance sur les neuf sollicités. En ce quf concerne le projet de dotation de la Caisse autonome de la Défense nationale, notamment, il accordait la faculté d’émission de bons à court ou moyen terme, mais refusait catégoriquement le transfert sollicité des quatre milliards de soi-disant bons du fonds de stabilisation des rentes. Après le rejet, à une faible majorité, d'une proposition de la minorité tendant à refuser tout crédit ?.u nouveau Gouvernement parce que non composé à l’image d’un ras semblement national, ce fut finalement cette manière de voir qui fut admise. Et c’est sur ces conclusions que s engagea le débat public, dans la roirée de jeudi, alors que. d’autre part, circulaient les bruits les plus alarmistes sur l'intempestive grè\e des usines Citroën. On sait ce que fut le débat, dont le côté sérieux et même tragique, surtout durant la brillante passe d’armes entre le Président du Conseil et le Président de la Commission des Finances du Sénat, n’aura échappé à aucun esprit averti des choses de la politique. Car il ne servirait à rien de celer que ce fut un débat politique au premier chef. Nous ne parlons même pas du résultat du vote sur le contre-projet Betoulle, repris en séance seulement, mais du résultat final sur l'ensemble du projet rapporté par la Commission, lequel n’a dépassé la majorité absolue que de huit voix. Pour un peu, le projet, même réduit, de la Commission des Finances, n’aurait pas été admis par la Haute- Assemblée. On peut ainsi mesurer l’état et le degré de tension qui règne dans les sphères politiques ! Et maintenant, que va-t-il se passer ? On dit que, revenant à une plus saine compréhension de la situation, le Gouvernement se conten terait des cinq milliards que lui a octroyés le Sénat et se mettrait en devoir de préparer un projet de redressement financier et économique qu'il entendrait soumettre au Parlement avant les vacances de Pâques. Que sera ce projet ? Nous l’ignorons encore, quoique, à la vérité, il ne faille pas être très grand clerc pour concevoir qu’il contiendra certaines extravagances plus propitiatoires à une chute ministérielle nue ne l’était l’inflation, pour laquelle toutes les fractions de l’opinion ont une invincible répulsion. Nous n’aurons vraisemblablement pas à attendre très longtemps avant d'être fixé sur la nature de ces projets, mais de là à croire que la stabilité gouvernementale et la quiétude dans le pays en découleront, nous parait bien osé....
À propos
Fondée en 1893, La Dépêche du Berry était un journal régional suivant une ligne éditoriale de centre-gauche, ou « radicale ». Il paraît jusqu'en 1944.
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