Extrait du journal

Les événements n’auront pas tardé à justifier certaines appréhen sions. A peine, en effet, le nouveau Gouvernement Léon Blum est-il constitué qu’aussitôt recommencent les conflits sociaux. D’aucuns voudront n’y voir qu’une simple coïncidence, mais elle est tout.de même étrange, s’agissant au surplus de conflits dans les industries de défense nationale, et surtout à l’heure où nous sommes. Comment, c’est à l’instant où on demande un effort supplémentaire aux ouvriers de l’aviation, par exemple, quç ceux-ci se mettent en grève, sans rime ni raison, car on en est encore à trouver des motifs plausibles à ces conflits, cellules communistes et amicales socialistes se renvoyant la balle à qui mieux mieux. Ce n’est pas, supposons-nous, pour une question de salaire que les 6.500 ouvriers de Gnome et Rhône ont débrayé. Ils gagnent tous aux environs de 100 francs par jour et font 37 heures 1/2 par semaine. Avant juin 1936, dans cette usine, on produisait 140 moteurs d’avions par mois, avec 3.500 ouvriers. Aujourd’hui, il y a 3.000 ouvriers de plus, on travaille par roulement à trois équipes, mais on ne produit plus que 200 moteurs par mois ! Et quand on fait appel à la conscience ouvrière pour accélérer la production, en raison de la situation extérieure,, eh bien ! on arrête tout. On arrête tout... et on danse ! C’est du moins le journal du Front populaire. Ce Soir, qui le publiait, avec un cliché sensationnel, avanthier. On danse, alors que nous sommes « pratiquement en guerre », comme le racontent dans les couloirs certains membres du Cabinet Blum. Et dans les meetings, on chahute les orateurs qui ne veulent pas « passer à l’action », comme M. Léon Jouhaux en. a fait l’expérience à Buffalo. C’est fou, archi-fou, mais c’est ainsi. Il y a mieux, ou pire. Les ouvriers et techniciens d’une autre usine d’aviation, Blériot, croyons-nous — et même ceux de l’arsenal de Brest — veulent bien consentir des dérogations à la semaine de quarante heures, mais à condition que le supplément de production serve à envoyer du matériel à l’Espagne républicaine ! Périsse notre propre défense nationale, pourvu qu'on vole au secours de l’anarchie espagnole, même au risque de déclencher un nouveau conflit mondial. Voilà les embûches contre lesquelles M. Léon Blum doit se défendre quotidiennement, cependant que d’autres problèmes, d’une gravité au moins égale, sollicitent son attention. Après tout, quand on voit ce qui se passe, on est en droit de se demander si le mieux ne serait pas de n’y point trouver de solution du tout et de fermer résolument les guichets. Ça donnerait peut-être à réfléchir à certains braillards et agitateurs. De toute façon, ça ne peut plus continuer ainsi, ou du moins ça ne pourra continuer longtemps, car nous allons vers le gouffre à une allure précipitée. Ce qui est navrant, mais ce qu’il faut cependant avoir le courage de dire, parce que c’est l’exacte vérité, c’est que ce sont les plus acharnés « Front populaire » qui auront été les propres fossoyeurs d'un mouvement sur lequel on avait peut-être fondé trop d’espérances, mais qu’on aura tué à force d’exagérations et de surenchères de toutes sortes. On peut toujours parler de réformes de structure ou de me sures de contrainte, si on avait commencé par ne pas tuer la confiance, peut-être pourrait-on se dispenser d’y avoir recours. Manœuvres aériennes britanniques...