Extrait du journal

3 la torsion des organes génitaux, tout ce 1 - que le délire sanglant des tourmenteurs ' * peut inventer de nouveau. J'ai vu aux 1 poignets de Gana les trous que les crochets des menottes ont laissés dans la chair. J'ai vu les ongles des orteils soulevés par les coins. J'ai vu l'affreuse hernie résultant du supplice effroyable. Que pourraient montrer les autres que cache encore l'infâme forteresse ? Qu'avez-vous à dire de cela, petit enfant-roi, au nom de qui l'on fait ces choses, et vous, femme chrétienne, qui remplissez fidèle- 1 ment, j'en suis sûr, tous vos pieux de- 1 voirs, et vous dites rachetée du sang de { 1 l'innocent de Galilée? Quand sera achevé ] le supplice de ceux que vous gardez en- 1 core en vos clémentes mains, voilà ce £ que vous seule pouvez dire, ô archidu- 1 chesse d'Autriche, qui avez reçu de Dieu ( la mission de châtier l'Espagnol coupa- 1 bJe de demander justice et liberté. c A quelques-uns on a fait la grâce de J l'exil. On a seulement exigé qu'ils fissent les frais du voyage. Leurs familles misérables ont vendu tout' ce qui leur restait c pour fournir cette suprême rançon. Et 1 puis la libération, sous des prétextes £ futiles, a été retardée, la prison a dévoré, 1 pour quelques adoucissements du régime, la petite économie du prisonnier,, et l'on ose alléguer maintenant du man- c que de ressources des hommes qu'on a délibérément ruinés pour les déporter c aux insalubres colonies où l'on sait qu'ils trouveront la mort. j Voilà ce qui s'accomplit aux appro- « ches du vingtième siècle dans ]'Espagne ,; civilisée par l'Eglise catholique, gouver- c née, sous l'égide de Léon XIII, par une . fille de ces Habsbourg dont le chef est, c de tradition, le premier soldat du Saint- < Siège. Depuis beaucoup de siècles s'est < engagée la lutte entre le pouvoir d'au- \ torité divine — ou tout au moins ceux c qui s'en disent les représentants, sans j qu'il soit très aisé de vérifier leur mandat — et la grande et la légitime révolte , de liberté humaine. Ceux qui venaient au £ nom d'un Dieu de bonté n'ont réussi à 1 travers les âges qu'à déchaîner les trou- < blés, les massacres, les guerres, la mort avec les pires tortures. Et quand des < hommes se lèvent pour demander la ( paix de travail et de justice après tant 1 de sang répandu, les bourreaux de Montjuich redoublent de fureur conlre les k innocents pour terrifier toute pensée de ( secouer le joug, mortel à l'âme hu- c maine. c J'écoutais Francisco Gana me dire ses ( misères, sans récriminations, sans pa- e roles de haine. Il pleurait au souvenir l des cris affreux de ses compagnons, qui perçaient les murs de son cachot. Il r montrait simplement ses plaies, com- c prenant qu'il n'était pas besoin de com- c mentaires, et candidement me faisait f passer sous les yeux ses certificats de a bon travailleur. 1 J'admirais cette tête énergique, cette t volonté d'action qui flambait au regard, 13 et je me demandais combien il faudrait v encore accumuler de victimes pour que le monstre d'autorité surhumaine, repu E • de sang, laissât la place enfin à l'homme a libre et bon, à l'homme de labeur et de c paix dont tu portes l'idéal en ton âme, I ô Gana ! et qui sera, un jour, malgré les F rois, les prêtres, et leurs soutiens de no- g blesse ou de bourgeoisie, dont le, pon- I à...