Extrait du journal

Cette façon de prêcher la modération en s'emballant soi-même, de commander eh fou furieux la sagesse, a bien failli faire dérailler le concert européen. Au moment où l'escadre internationale a envoyé des obus sur le camp grec, qui n'a appréhendé que ce pauvre concert ne perdît entièrement la boussole ? A la lueur de la canonnade, on se rendit compte que la grande colère de Guillaume était un péril européen. Cette colère était-elle sincère? était-elle calculée? En tout cas, elle poussait les nations au fameux saut dans l'inconnu qui est toute la question d'Orient. En proposant contre la Grèce des brutalités précipitées, révoltantes, elle provoquait la rupture d'un accord déjà instable; elle tentait la Russie, l'Angleterre et l'Autriche; elle allumait toutes les ambitions, les légitimes comme les autres, au démembrement de la Turquie. A-t-on eu le sentiment que la grandeur fulgurante des événements désorientait un cerveau peu équilibré ? A-t-on eu le soupçon que, tout en se proclamant désintéressé dans le démembrement de la Turquie, l'empereur Guillaume était hanté de l'arrièrepensée de présider à ce partage, d'attribuer les lots selon les convenances de son omnipotence, quitte à réclamer après coup, et ailleurs, la compensation suprême ? Il y eut vraiment une heure d'angoisse....