Extrait du journal

Et cependant, en dépit de ces traits^ divergents, si l'on va au fond des choses, les analogies sont profondes. Les J familles sont peu nombreuses, parce que le bien, qui est petit, n'exige qu'un petit nombre de bras. Seuls- auront beaucoup d'enfants les prolétaires agricoles, qui n'ont pas de terre — ceci, malgré les injonctions de la religion catholique, à laquelle, je le répète, le paysan reste fermement attaché. Et les gens acceptent la misère et la mort, avec, une résignation, une simplicité qui vient de ce qu?ils ont vécu toute leur vie pour ainsi dire dans l'éternité déjà : le retour des saisons, des travaux selon les saisons, leur ont appris que seule la nature est immortelle. L'homme passe ; il est fait pour passer. Pourtant, sous cette âpre livrée, une profonde sensibilité. Elle ne se montre pas, elle n 'a pas de mots pour s'exprimer, comme chez le Nono de Roupnel, que le ■vin rend lyrique : mais c'est le même. Et les conditions de l'existence ayant très peu changé depuis mille ans j sur ces terres médiocres, ces silencieux se rendent peut-être bien mieux compte que les habitants des villes de ce qui fait la France, de ce qpi est la Francè. Ce" n est pas qu ils soient « patriotes » au sens où nous -l'entendoiis ; et le service militaire continue à leur paraître ce qu'il fut toujours pour eux : une sorte d impôt qu 'il faut acquitter comme les autres, et sans qu'on sache trop pourquoi. Mais ils font d'autant plus attention au grand pays qu'ils n'ont jamais quitte leur petit pays, même pour aller à la plus prochaine sous-préfecture ; et aussi ne conçoivent-ils pas d'autre mede d'existence que le leur : l'ennemi, c est l'étranger; et plus il est eiranger, plus il est ennemi, sa domination ferait insupportable....