Extrait du journal

Je vois encore l'aspect de cette longue galerie des Tombeaux, qui avec ses deux rampes de sculptures du moyen âge servait de coulisses à l'Assemblée, quand les plus illustres des républicains, l'oreille un peu baise, apportèrent cette triste invention de l'orléanisme. Ce n'étaient point seulement des radicaux, c'étaient des modérés qui hésitaient à accepter de telles conditions : tout le monde les trouvait très dures : on se résigna, il le fallait bien. Mais si à ce moment on avait dit à un républicain quelconque, fùt-il du centre gauche : « Prenez garde ! ce scrutin baroque, en révolte contre le suffrage universel, durera longtemps ! Le parti républicain aura la majorité dans le Sénat comme à la Chambre, il aura un des siens à la présidence, et ce sera lui qui maintiendra ce scrutin insoutenable ! Et quand des intérêts personnels y seront attachés; quand, d'ailleurs, on trouvera commode de faire ajourner toutes les réformes au moyen de ce scrutin saugrenu, ces intérêts et cette arrière-pensée l'emporteront sur tous les principes, sur toutes les doctrines de la République, sur la souveraineté nationale, sur le besoin de progrès, sur le droit démocratique !... » Si quelqu'un s'était avisé de faire une pareille prédiction, tout le monde eût crié (et moi le premier) : Vous calomniez indignement, non seulement l'ensemble du parti républicain, mais même le groupe de M. Thiers et de M. Dufaure !...