Extrait du journal

De toutes les paroles que nous entendions dans notre malheur, les Anglais disent les plus pénétrantes et les plus belles. Car il y en eut d'autres, que je passe, et qu'il faudrait citer si l'on écrivait l'histoire de cette amitié naissante, . :t il faudrait citer ici Swinburne, Robert Browning, Elisabeth Browning ; mais donnons une place à l'homme, au penseur, au moraliste, à l'éducateur qui a vraiment, dans le monde intellectuel, exorcisé l'Angleterre tout imprégnée du germanisme de Carlyle et qui l'a guérie de'son insularité en la rapprochant de la France. H n'y eut à coup sûr, en aucun temps, un Anglais qui soit resté plus Anglais et qui ait été en même temps plus humain que Matthew Arnold. Nul ne fit plus que lui peur greffer sur la culture morale que l'Angleterre tire traditionnellement de l'Ancien Testament, une culture fondée à la fois aux grands anciens et aux maîtres de la pensée moderne, c'est-à-dire un idéal de raison, de beauté, de ",ertu, tout chargé de valeur humaine. C'est dire qu'Arnold se tourna vers nous et qu'il nous aima. Non certes sans clairvoyance. Personne ne nous a dit plus franchement de rudes vérités, n'a jugé plus sévèrement notre manque — trop fréquent — de tenue murale, les défaillance; trcp nom breuses de notre littérature, les complicités trop indulgentes qu'elles rencontrent dans l'opinion des honnêtes gens. Mais personne aussi n'a mieux vu ce qu'était la France dans le domaine de l'esprit, son culte pour la « pensée universelle :1>, son « audace spéculative », les qualités sociales du pays où l'on ne connaît pas les castes, où la pratique de l'égalité a créé une « atmosphère plus humaine et plus pure et qui semble nouvelle et presque prodigieuse à ceux qui viennent d'ailleurs * (Maeterlink), et îl a vu aussi ce que l'Angleterre pourrait tirer de leçons de cette classe moyenne du pays de France, qui est un des produits les plus originaux de l'histoire des hommes....