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La France, 6 octobre 1897

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La France
6 octobre 1897


Extrait du journal

L’Intrusion Anglaise Le tramway des Pyramides. — Le funiculaire du Sinaï On ne peut nier que les Anglais aient tout mis en œuvre pour prendre définitive ment possession de l’Egypte. Au moment même où les gouvernements européens songent, parait-il, à rappeler ou ForeignOftice les promesses solennelles d’antan.de nombreuses compagnies anglaises organi sent, sur les rives du Nil, de vastes entre prises. Bientôt l'Egypte, transformée.gâtée par celte anglicisation outranciére, aura perdu sa couleur locale. Voici qu’une société vient d’établir un tramway pour aller aux Pyramides ! Les poétiques promenades à travers le désert n’auront plus le charme d’autrefois. Un omnibus sur rails parcourra en vingt-cinq minutes la distance qui sépare Ghixeh des Pyramides. Les voyageurs, embarqués au pont de Kasr-et-Nil, franchiront une pas serelle en fer, puis une affreuse succession de talus et de remblais,jusqu'à la rencontre de la route actuelle des Pyramides; qu’ils longeront ensuite, en dehors de la ligne des arbres, sur la gauche. Le débarcadère est établi au pied de la colline qui supporte les quatre monuments historiques. Un hôtel à la mode britannique, le Mena House Hôtel, se dresse à une coui te distance. Le paysage, jadis plein de gran deur, par son originalité même, se trouve ainsi gâté. L’esprit a quelque peine à se ressaisir, en face de cette intrusion du con fort moderne, de l’utilitarisme pratique, au nom duquel on sacrifie aux commodités anglo-saxonnes l’inappréciable saveur des souvenirs de l’antique Egypte et la vision poétique des choses du passé. Le tramway va supprimer les caravanes. A partir du 10 octobre, une aiïreuse guim barde courra sur cette voie de fer qui ôte au désert jusqu'à la légitimité de son nom. On ira aux Pyramides comme on va au Stock-Exchange. Les Anglais nous réservent bien d’autres surprises. Ils construisent le funiculaire du Sinaï, et. entreprendront plus tard le railway du Saint-Sépulcre. Leur propagande religieuse et commerciale saura tirer parti des souvenirs bibliques. Ils vont édifier des hôtels dans tous les lieux célèbres par les faits de l’histoire sainte. Aux antiques pèle rinages, aux pieuses processions de jadis, les méthodistes utilitaires feront succéder avec profit pour leurs coreligionnaires in téressés, des trains de plaisir, des tournées de l’Agence Cook, des voyages à prix ré duit. Pas plus que l’Egypte, aujourd’hui vio lentée, la Palestine n’échappera aux entre prises sacrilèges du vandalisme civilisateur qui caractérise le génie anglo-saxon. La poésie de la Judée ne résistera pas à l’inva sion britannique. Jérusalem, ville sainte, la cité mystérieuse, ne sera bientôt plus qu’une station du vaste réseau de voies fer rées que les Anglais étendent partout sur le globe pour le mieux étreindre. W. F....

À propos

Lancée en 1862, La France était un quotidien suivant une ligne éditoriale à la fois libérale et favorable au Second Empire. Durant la Commune de Paris, le quotidien publia également une édition départementale imprimée à Tours. En 1874, Émile de Girardin, fondateur de La Presse et grand entrepreneur médiatique également proche d’Adolphe Thiers et de Gambetta, rachète le journal. Sur quatre pages, on y écrit de longs articles, en plusieurs parties, qui s’étendent parfois même sur plusieurs jours.

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