Extrait du journal

— Monsieur de Brives, — me dit-elle en fin, reprenant de l’assurance, — vous vien drez demain voir mon mari, n'est-ce pas? Aujourd'hui, il ne rentrera que tard; il est allé fort loin aux environs visiter un ou vrier de la manufacture qui s’est pris hier la main dans un engrenage... Bien quo je la connusse charitable, je sentais autre chose que ce qu’elle me di sait sous l’émotion de ses paroles. — Je viendrai, madame, lui répondis-je a\ ec intention, d autant plus que je comnte partir dans trois jours. V — Vraiment! lit-elle presque dans une exclamation joyeuse. J’en fus profondément blessé: elle le vit et me parut fort troublée pendant quelques instants. Ensuite, cette femme héroïque sembla prendre un parti décisif. Monsieur do Brives, dit-elle en se tournant tout A fait de mon côté et posant ses deux grands yeux sur les miens avec une fixité anxieuse, me pardonnerez-vous, A votre tour, si je vous dis que je suis heureuse de vous voir partir? Lhomme est un sot; une flamme me traversa la cervelle, accéléra le sang dans mes veines, puis le froid de la mort me glaça jusqu’aux os, je sentis battre mes paupières. Quand je relevai les yeux, la femme du pasteur n’avait pas baissé les siens; mais ils exprimaient maintenant un sentiment de surprise si naïve, si vraie, que j’eus honte de moi-même et devins cra moisi jusqu’aux oreilles. Peut-être eut-elle pitié de ma sottise, car elle n’eut pas l'air de remarquer plus longtemps mon trouble et me répéta seu lement sa question. Voyant que je n’y ré pondais pas : — Oui, continua-t-elle en secouant dou loureusement la tête, tout en vous me le rappelle... et je dois l’oublier! On se croit fort, l'on n’est qu'assoupi... Tenez, mon sieur de Brives, en vous parlant de lui, je...