Extrait du journal

M. Citroën est un grand industriel que les lauriers de M. Loucheur, empèdiaient de dormir. Il s’est. dit que l’avenir était aux capitaines d’industrie, qu’il leur suf firait de se montrer dans les milieux poli tiques pour s’imposer, qu'au surplus quel ques idées originales les mettraient en vedette, et le vrîîà qui s'aventure dans une invention dont le moins qu’on puisse dire est qu’elle ne manque pas de comique. Déjà, depuis quelque temps, les dames du monde qui, maintenant, délaissent les diplomates et. les ministres pour s’attacher aux grands industriels, colportaient à droite et à gauche dans les salons parisiens que M. Citroën avait de grandes idées.. Nous connaissons enfin ces idées grâce à M. Jean Dupuy qui a bien voulu les re cueillir dans son journal mais qui n’ira pas cependant jusqu’à les appliquer dans ses propres affaires. M. Citroën a donc imaginé une sorte d’âge d'or résultant de la guerre. Par une entente internationale, on supprimerait toutes les monnaies et on les remplacerait par une autre — non point fiduciaire, mais fictive — dont on émettrait autant que de besoin pour éteindre les dettes de tous les Etats. Avec cotte monnaie, on rem bourserait tous les emprunts et même, pen dant qu’on y est, on en ferait assez pour réparer les dommages de guerre. A la vé rité, M. Citroën s’arrête là. Il a bien tort. On devrait continuer à tirer son papier monnaie de façon à constituer une fortune à chaque citoyen. M. Citroën n’est pas en core démagogue. 11 n’y a pas pc.isé. L’erreur de M. Citroën est si grossière qu'il est difficile de la réfuter sans épeler l’alphabet. 11 confond la monnaie avec le crédit ou plutôt il s’imagine qu’on peut passer monnaie sur le crédit. Parce que c’est vrai dans une toute petite mesure pour les Etats, il veut exagérer le système. Mais la monnaie représente une richesse réelle, une valeur existante. M.' Citroën ne fait que réinventer la .planche à assignats. Pour être internationale dans son esprit, elle n’en organise pas moins la faillite. Celte plaisanterie alimente les conversa tions des gens qui, ne sachant rien de rien, croient jque le progrès sic fait) da)is la folie. Parce que les économistes ont prédit qno la guerre ne durerait que trois mois et se sont trompés, il n’en résulte pas que 2 et 2 font 5. Mais les parlementaires ont beau jeu. Et c’est là notre conclusion. Quoiqu’ils parlent souvent hors du bon sens, cepen dant il» étudient les questions avant do vouloir les rénover. Ce n’est pas le cas de M. Citroën qui prophétise au hasard. Nous avions déjà vu un militaire sans emploi découvrir une comète et annoncer l’heure, la minute, la seconde de son apparition. 'Vous les gobe-mouches avaient les yeux au ciel -et un grand journal avait accueilli ces élucubrations. M. Citroën recommence cette fable pour nous prouver que chacun doit foire son métier. 11 est cependant étrange qu’un homme au courant des réalités puisse pareillement divaguer. Il faut croire qu’il est moins difficile qu’on ne le suppose d’être un grand industriel, il est beaucoup plus malaisé d’être un grand législateur. M. Loucheur n’est pas devenu ministre en disant des bêtises. Qu’on se le dise pour retenir les inventeurs «nie sa fortune étour dit....