Extrait du journal

Les statisticiens sont souvent tournés en ridicule. On s’imagine qu’ils possè dent la manie de l’accumulation et de la comparaison des chiffres, opérations qui paraissent inutiles. Nous avons entendu affirmer, même au Parlement, qu’on faisait dire à la statistique ce qu’on voulait. Quoique ce soit la la croyance générale, c’est une grossière erreur. La statistique est une science, qui tient à la fois de l’observation, de l’ex périence et de l’exactitude. Elle n’a pas l’élasticité que lui attribuent ceux qui en parlent sans la connaître ; elle a rendu et elle rend toujours des services qu’on a le tort de méconnaître. En effet, c’est grâce aux statisticiens que les économistes et les sociologues peuvent se rendre compte exactement des phénomènes naturels. Le mouvement de la population des pays civilisés, la transformation des ri chesses, l’état de la production géné rale, le bien-être relatif des peuples et tant d’autres choses ne pourraient pas être observés, appréciés, sans le se cours de la statistique. Les nations au caractère pratique, telles que^ l’Angleterre, l’Allemagne, les Etats-Unis,ont donné à cette science une importance très sérieuse. Des bu reaux spéciaux de statistique ont été créés, des publications officielles font connaître leurs travaux permanents. En France, nous sommes beaucoup moins avancés. Est-ce parce que le Français est léger et sceptique, et l’ob; servation et la comparaison des faits sociaux l’intéressent peu ? Il peut se faire que la négligence de la statistique tienne à notre caractère; mais il faut dire que le premier coupa ble, chez nous, est le gouvernement....