Extrait du journal
Il résulte de ses déclarations qu’à ce moment, le chancelier de la Confédéra tion du Nord luiainsinuéqu’ilsevaitpossible de mettre fin à la guerre par une con cession qui nous laissait bien en deçà du sacrifice de l’Alsace et delà Lorraine.Ce n’était pas une proposition. L’homme d’Etat prussien était trop habile pour la taire et pour ne pas l’attendre de la France vaincue. Mais n’était-ce pas un appel caractérisé à la conciliation ? N’é tait-ce pas l’indication précise d’une base pour négocier et d’un maximum de pré tentions qui permettait de discuter et do réduire les exigences du vainqueur ? Qu’est-il arrivé cependant? M. .iules Favre et ses collègues n’ont tenu aucun compte de ces ouvertures. Après avoir usurpé le pouvoir, ils ont usurpé le droit et la volonté de la France. Us ont tran ché, sans mandat, une question qui de vait décider de ses destinées; ils ont condamné le pays à la continuation de \ la guerre, au milieu de la désorganisa- j tion et de l’anarchie dans laquelle ils j l’avaient plongé ; ils lui ont pris, sans le ; consulter, son sang et son argent; ils j ont dépensé ainsi des milliards et sac ri- ! fié des milliers d’existences ; ils ont livré j le sol de la patrie aux opprobres et aux j ravages de l'invasion ; ils ont infligé à Paris les horreurs d'un siège qiu* le gé néral Trochu considérait comme une su blime folio, et, par cette conduite, iis ont amené ainsi deux faits terribles, qui sont corrélatifs, dont l'un est insépara ble de l’autre : la paix do Versailles et l’insurrection du 18 mars. On reproche souvent à l’empire d’avoir déclaré la guerre sans préparation et sans alliances; c'est par cette accusation que M. le général Trochu terminait l'au tre jour l’exposé qu’il présentait à la Chambre pour se justifier d’avoir été à l’Ilôtel-de-Ville, après avoir juré de mou rir sur les marches des Tuileries, et d’a voir été le collègue de M. liochctort, lorsqu’il était le mandataire et le repré sentant du pouvoir légal. Assurément, l’accusation est fondée et elle n’explique que trop cette grande chute d’un gouvernement qui semblait avoir puisé des éléments de durée dans la plus imposante des manifestations du suffrage national. Mais, si l’empire est' coupable d’avoir exposé la grandeur de la Franco dans une lutte dont il n’avait pas suffisamment mesuré les chances et les périls, il n’en est pas moins vrai qu’il avait associé à sa responsabilité les déli bérations des pouvoirs publics, et qu’il avait été soutenu, et peut-être impru demment encouragé par les entraîne ments irréfléchis du sentiment national. Si c’est un crime d’avoir déclaré la guerre dans ces conditions, n’en est-ce pas un plus grand encore de l’avoir con tinuée sans consulter le pays, eu lui dérobant la connaissance d’un tait qui pouvait y «mettre fin? Et le crime ne s’aggrave-t-il pas de cette circonstance qu’il y avait en jeu une dictature qui ne pouvaitse maintenir que par la continua tion de la guerre et qui se serait évanouie devant la souveraineté du pays? Nous pouvons donc dire, sans crainte d’être contredit par personne, que les aveux île M. Jules Favre sur ce point constituent, contre lui et le gouverne ment dont il faisait partie, une prouve flagrante et décisive de la violation des droits du pays, dans une situation extrê me où l’obstacle mis à leur exercice devait entraîner les plus fatales consé quences. M. Jules Favre aime à se frapper la poitrine ; c’est le grand pénitent du 4 septembre. Mais, cette fois, son repentir ne lui vaudra ni le pardon du ciel, ni l’indulgence des hommes, car il aggrave la faute au lieu de la réparer. Il regrette son aveu. Ce qu’il aurait dû regretter, c’est le silence qu’il a si longtemps gar dé, c’est d’avoir tant tardé à faire cette confidence, de ne pas avoir averti le pays, de ne pas avoir convoqué la nation pour qu’elle décidât dans sa souveraineté si la paix était acceptable, si la guerre était nécessaire et possible. 11 y a eu un mot malheureux, bien malheureux, prononcé à la tribune par un ministre qui déclarait accepter la guerre d’un cœur léger. On peut dire aujourd’hui que ceux qui l’ont continuée ont ajouté à la légèreté du cœur celle do la conscience. Ce sont de ces légèretés qui deviennent lourdes, non-seulement pour les hommes qui s’y sont abandon nés, mais surtout pour le pays qui en a été victime. On s’est plus d’une fois étonné de la persistance avec laquelle l’illustre chef du pouvoir exécutif a couvert de son pa tronage les hommes sur lesquels pèsent de telles responsabilités. Après le dis cours de M. Jules Favre, après ses aveux accablants, lorsque la tribune, qui fut si souvent le piédestal des triomphes du grand orateur, est devenue le banc de douleur du ministre du 4 septembre, on se demande s’il n’était pas nécessaire que les hommes qui nous ont faits tant de mal, fussent condamnés à porter jus qu’au bout le fardeau du pouvoir dont ils se sont emparés par la force et qu’ils n’ont pu garder qu’au prix des malheurs du pays. La bienveillance de M. Thiers s’est trouvée déjouée par la philosophie dés événements et par ces expiations inévitables qui font sortir les hautes le çons de la morale, des audaces et des entraînements de l’ambition. M. Thiers a dit un jour qu’il avait de mandé aux hommes du 4 septembre de se sacrifier en restant au pouvoir. Us ont vraiment abusé de l’esprit de sacrifice. Après avoir prouvé leur dévouement en...
À propos
Lancée en 1862, La France était un quotidien suivant une ligne éditoriale à la fois libérale et favorable au Second Empire. Durant la Commune de Paris, le quotidien publia également une édition départementale imprimée à Tours. En 1874, Émile de Girardin, fondateur de La Presse et grand entrepreneur médiatique également proche d’Adolphe Thiers et de Gambetta, rachète le journal. Sur quatre pages, on y écrit de longs articles, en plusieurs parties, qui s’étendent parfois même sur plusieurs jours.
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