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La France, 25 juillet 1923

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La France
25 juillet 1923


Extrait du journal

L’Angleterre veut un compromis J ai recontré un diplomate d’un de ces pays de l'Est euro|>éen qui — selon les circonstances — se font qualifier de « neu tres » ou d* « alliés » et dont les chefs de gouvernements se vantent de servir de médiateurs entre les grandes puissances. Ce diplomate m a parlé de la question des réparations, des fiourparleis anglo-fmncohelges et il s'est flatté d'être dans le secret des dieux. — Savez-vous où vous .allez ? m’a-t-il dé claré... Eh bien, vous allez à une com mission d'enquête sur la capacité de paie ment de l'Allemagne. — Ah ! ça. non ! fis-je vivement, je sais bien que l'Angleterre désire cette solution, mais outre qu’elle serait contraire au traité de Versailles... — ... c'est précisément là-dessus que se fera le compromis • l’Angleterre tient pour la commission d'enquête; la France va invoquer les droits juridiques de la C. D. It. Finalement, on tombera d'accord sur la constitution d’une commission d'ex perts désignés par la C. I) II. Vous me di rez que dans ce cas cette dernière sera n juridiquement libre d’accepter ou de re pousser les conclusions de ses experts. Oui, sans doute !... mais quand le rapport fie ceux-ci aura été porté à la connaissance de l'opinion publique mondiale, la C. D. R. sera bien obligée de l'approuver — à sup poser qu elle n'en ait pas la plus grande envie — sous pleine d’entendre un toile universel s'élever contre elle. — Mais vous savez bien qu'en France nous n'accepterons jamais une réduction de la dette de l'Allemagne. — Aussi, me répondit le diplomate avec un sourire plein de malice, ne sera-ce pas, pour le moment, sur le « montant » de la dette que portera i’enquête, mais sur les «< modalités » de paiement; car évaluer la « capacité » de l'Allemagne, ce n'est pas uniquement fixer les sommes qu'elle [>eut payer au total, dans un laps de temps indéterminé, mais c'est aussi, c'est surtout se faire une idée de ce qu elle peut offrir, dans l'état où elle se trouve actuellement, au cours des années les plus prochaines. Supposez que la France obtienne, en un délai de douze à quinze ans, les vingt-six milliards dont elle a besoin pour relever ses régions dévastées, on pourrait bien remettre jusqu’à la fin de cette période le douze à quinze ans, l’évaluation du reste de la dette allemande. — Mais, en réalité, voilà qui nous mène, dans quinze ans, à une réduction de la dette allemande. Et cette réduction, nous, Français, ne ]fourrons l'accepter que s'il y a réduction équivalente de la dette inter alliée. — Ab ! voilà justement... Bah ! dans quinze ans vous verriez... Je dois encore vous dire que la commission d’experts se rait chargée de désigner les garanties que devrait offrir l'Allemagne. •— F.t en ce qui concerne la Ruhr ? -— Mon Dieu, tout le inonde vous dira ce que vous dit l'Angleterre. Si vous avez des garanties, vous n'aurez plus besoin de ce « gage ». Je ne pus m’empêcher de sursauter. — Qui donc vous a dit tout cela ? m'é criai-je. Mon interlocuteur eut un nouveau sou rire : — Je vous ai dit. ponctua-t-il, que je suis dans le secret des dieux. A vous de comprendre qui m'v a mis. J’aime mieux avouer que je ne prêtai qu'une oreille distraite à cette dernière in sinuation; ma faible expérience m’a déjà rendu très sceptique sur la valeur dos in formations que fournissent certaines di plomaties dont le rôle consiste surtout à lancer des ballons d'essais pour le compte de puissances qu'il est inutile de nommer. Aussi, en quittant mon interlocuteur, me contentai-je de lui exprimer la certitude suivante : Aucun gouvernement français — et celui de M. Poincaré moins que tout antre — n’accepterait cette commission if experts désignés par la C. D. R. — com mission dont la constitution aboutirait à « sauver la face », c’est-à-dire à respecter les formes pour violer le fond; aucun mi nistère français, non plus, ne songerait à évacuer la Ruhr avant paiement, quelles que soient les garanties « de remplace ment » qu’on lui offre. S. de Givet....

À propos

Lancée en 1862, La France était un quotidien suivant une ligne éditoriale à la fois libérale et favorable au Second Empire. Durant la Commune de Paris, le quotidien publia également une édition départementale imprimée à Tours. En 1874, Émile de Girardin, fondateur de La Presse et grand entrepreneur médiatique également proche d’Adolphe Thiers et de Gambetta, rachète le journal. Sur quatre pages, on y écrit de longs articles, en plusieurs parties, qui s’étendent parfois même sur plusieurs jours.

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