Extrait du journal

anglaises et des onces espagnoles, mais aussi du sucre, du café, du poivre, et toutes ces rares denrées coloniales qui se vendaient alors au poids de l’or! Lorsqu’un voyage avait été heureux et qu’une telle prise était ramenée au port, c’était dans toute la ville une fete géné rale. Chacun avait à bord un parent ou un ami, et les cabaretiers du port, sachant combien de festins allaient être consacrés a célébrer le retour des enfants prodigues, récuraient leurs casseroles de cuivre et montaient leurs plus vieilles bouteilles. Quelquefois aussi on pensait, il est vrai, à un pauvre navire dont on n’avait pas eu de nouvelles depuis longtemps, et on se demandait, le co*ur serré, si les marins de son équipage n'étaient pas sur les pontons de Porismouth, en train de mourir de faim et de nostalgie. Mais cette tristesse n’était que passagè re, et des qu’un corsaire rentrait au port, on oubliait bien vite les absents, et la pen sée de tous était à la joie. Quelques vieilles mères seules pleuraient silencieusement, mais leurs larmes solitaires passaient ina perçues et n’empêchaient pas l’allégresse générale de donner à la ville un air de fête et une animation qu’on n’eut poul et re rencontré â cette époque dans aucun autre port de l’empire français. Un des derniers jours du mois d’octobre 1813, vers deux heures de l’après-midi, la jetée de Dieppe présentait l’aspect le plus pittoresque. Une foule compacte, composée d’hom mes et de femmes du port, regardait avec persistance lu brouillard épais qui couvrait la mer. — Où est-il? demandaient vingt voix. — Là, droit dans l’Ouest, répondaient les marins, et la foule continuait ù regar der. Un curieux qui n’eut pas été au courant...