Extrait du journal
« Je possède quelque part un terrain, pas très grand, plutôt même petit, sur lequel quelques logis que je loue, à de modestes prix, à des familles qu’y attira le voisinage de manufactures où travail lent leurs chefs. « Or, depuis dix ans que ces logis exis taient, je n’avais toujours été qu’un propriétaire de malchance. Pour une rai son ou pour une autre, par suite d’é preuves dignes de respect et de sympa thie, ou quelquefois faute de conduite et peut-être par mauvaise volonté, mes lo cataires, sauf un ou deux, s’acquittaient irrégulièrement ou ne s’acquittaient pas du tout de leurs redevances... « L’an dernier, je pris une grosse réso lution et je louai ces logis au thauma turge de Padoue. Je ne lui en demandai pas même la permission. Sans cérémo nie, je lui dis : — « Saint Antoine je vous institue mon locataire universel. La pro bité et la solvabilité d’un saint du ciel sont hors de tout soupçon, et c’est pour quoi, n’ayant pas les moyens de faire à la fois justice à mes créanciers et re mise à mes débiteurs, c’est à vous que je confie la responsabilité de mes loyers pour l’an prochain. Je vous promets une quittance au bout du temps. » « Bien sûr le bon Saint m’a entendu et exaucé. Deux locataires nouveaux de mai 1905 à mai 1906, m’ont apporté avec une scrupuleuse exactitude leurs redevances mensuelles, et même l’un d’eux a payé souvent ses termes avant l’échéance. Un ancien, brave ouvrier que la maladie avait autrefois longuement éprouvé, n’a pas perdu une heure de travail de l’année, et a suivi l’exemple des deux autres. Un autre ancien, visité aussi par l’épreuve divine, commença l’année avec des arrérages. Il la conti nua une partie du temps en chômage forcé. L’emploi qu’il ne put trouver ici lui fut enfin offert par le gérant d’une fabrique éloignée. Le pauvre homme nous quitta, il y a cinq ou six mois, mais dès avant son départ, il paya au complet arrérages et dûs courants. De plus, il nous amena de lui-même, pour le reste du temps à courir, un rem plaçant qui, à son tour, s’est régulière ment acquitté. « Et je tiens à signaler hautement ce fait : depuis onze ans que j’ai quelques modestes logis à louer, l’an locatif, qui vient d’expirer au tef mai 1906 a été le seul où je iî
À propos
Lancée en 1862, La France était un quotidien suivant une ligne éditoriale à la fois libérale et favorable au Second Empire. Durant la Commune de Paris, le quotidien publia également une édition départementale imprimée à Tours. En 1874, Émile de Girardin, fondateur de La Presse et grand entrepreneur médiatique également proche d’Adolphe Thiers et de Gambetta, rachète le journal. Sur quatre pages, on y écrit de longs articles, en plusieurs parties, qui s’étendent parfois même sur plusieurs jours.
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