Extrait du journal

C’est un grand malheur que l’homme ne sache ni borner son ambition ni res treindre sa visée. Non content d’avoir ce qu’il souhaitait, il souhaite autre chose; et lorsque d’aventure il échoue dans ses projets, il taut encore qu’il grossisse en imagination son idéal perdu, de qualités qu’il n’eût jamais. Qui nous eût dit qu’une chanson fe rait tant de bruit ? — Un imprésario de modeste envergure avait eu l’idée de faire planer un instant, au-dessus de la fumée du tabac, la Muse de son caféconcert; il avait mis au concours un su jet de chant patriotique ; le concours avait eu lieu ; le lauréat choisi dans la foule inconnue avait entendu exécuter son œuvre au bruit du choc des verres. — Presque inaperçue du public, cette solennité n’avait eu pour témoins que les habitués d’une salle bâtarde où ré sonnent tour à tour des madrigaux à Chions, des airs de chasse et des re frains épicés. Cependant, un de nos con frères, dans le Gaidois, recueille avec soin les échos de cette petite fête. Il se défend déjuger les couplets «A la fran çaise », n’étant point, de son métier, cri tique d’art; mais il saisit cette occasion de déclarer que la démocratie ne s’ar range point de la chanson et nous con damne à la disette des fions fions jus qu’au retour des violettes. Pauvre chanson ! Pauvres violettes ! C’est la même prétention injustifiable qui fait ainsi de vous les servantes d’un parti! Il parait que vous ne sauriez fréquenter Ja République, et le Gaulois vous enjoint de ne point égrener vos gammes, de ne point ouvrir vos corolles,...