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La France, 29 juillet 1892

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La France
29 juillet 1892


Extrait du journal

LE CAIIU_DE PANAMA Les poursuites que nous n’avons cessé de signaler comme un très grand danger pour la liquidation ont été dirigées par MM. Laurillard et Fleury, porteurs d’obligations émises par la Société en 188à et 1886. Au mois de juillet 1890, le tribunal civil de la Seine a jugé que la Compagnie de Panama était déchue du bénéfice du terme pour le remboursement de ses obligations et Va condamnée à payer à MM. Lourillard et Fleury le montant desdites obligations, en accordant toutefois au liquidateur un délai d’un an pour se libérer. Le délai expiré, MM.Laurillard et Fleury, n’ayant pu obtenir paiement de leurs créan ces, ont exercé des poursuites et ont, no tamment, saisi 15,081 fr.50 dans la caisse de la liquidation. Le liquidateur a assigné les créanciers en nullité de l’opposition par eux pratiquée, un jugement du 9 février 1892 l’a débouté de sa demande; sur l’appel qu’il a interjeté, la première chambre de la cour d’appel de Paris a rendu l’arrêt suivant . « Déclare Monchicourt mal fondé en sa demande et l’en déboute. » Ordonne, en conséquence, que les 15,081 fr. 50 faisant l’objet de la saisie se ront, sur le vu du présent jugement, versés par la caisse des consignations aux mains des sieurs Laurillardet Fleury, à valoir sur leurs créances, etc., etc. » Condamne Monchicourt en tous les dé pens. n L’arrêt est court, net et précis ; il consa cre le principe du droit de chaque créancier d’exercer une action personnelle sur l’actif social. Il en résulte que chaque créancier peut se faire attribuer une partie de cet ac tif et, quand il n’y aura plus rien, les créan ciers qui auront patiemment attendu le ré sultat de la liquidation judiciaire de M. Monchicourt ne trouveront plus à la caisse que cet éminent liquidateur qui, pour toute consolation, leur dira qu’il est le premier financier de son époque. Cette consolation est trop maigre pour satisfaire les créanciers : il leur faut autre chose de plus substantiel. Nous avons cité la poursuite de MM. Laurillard et Fleury, parce que c’est la première en date, il y en a certainement d’autres ; dans une affaire de ce genre les créanciers font bien de se défendre individuellement, puisque leur représentant légal ne peut ou ne veut suffisamment les protéger. Le résultat final est facile à prévoir : si une loi spéciale ne met pas l’actif social à l’abri de l’atteinte des créanciers, chacun de ces derniers prendra ce qu’il pourra saisir pour se payer de sa créance ; le bloc social s’égrènera et se dispersera, il de viendra alors impossible de l’apporter à une nouvelle Société qui voudrait tenter l’achèvement du canal. Cependant il ne faut pas que les créan ciers, qui agissent ainsi, croient qu’ils pourront encaisser les sommes qui leur sont ou seront attribuées ; spécialement, MM. Laurillard et Fleury, qu’un arrêt de la Cour d’appel autorise à toucher de la Caisse des consignations les 15,000 francs saisis, ne sont pas et ne seront probablement ja mais en possession de cette somme ; d’au tres créanciers ont dû former la même op position et ont le même droit ; comme leurs créances excédent de beaucoup l’im portance du dépôt, il leur sera partagé au marc le franc ; ce partage ne s’effectue pas simplement, il est précédé de formalités judiciaires longues et coûteuses, surtout coûteuses, et il est probable que, vu le nombre considérable de créanciers sociaux, la somme déposée sera absorbée entière ment par les frais. Dans nos précédents articles, nous avons traité la question du partage de l’actif so cial par la voie de la contribution judi ciaire ; nous avons dit que pour un régle ment de cette importance les locaux du pa lais de Justice ne sont pas suffisants ; qu’il faudrait construire des locaux spéciaux ; augmenter le nombre des juges, des gref fiers et des employés ; malgré cela, en rai son des nombreuses formalités qu’il y au rait à remplir, la génération actuelle ne ver rait pas la fin de cette opération. Nous comprenons l’impatience des inté ressés qui voient l’affaire péricliter et se désagréger peu à peu, qui voient les délais arriver à terme et, à sa suite, la déchéance qui consommera la ruine définitive de l’en treprise ; nous comprenons très bien qu’ils essaient d’atténuer leur perte en exerçant des poursuites contre l’actif social, qui est le gage de leur créance. Nous comprenons encore qu’ils tentent de stimuler le liqui dateur qui n’aboutit à rien et qui laisse tout écrouler sans sortir de son calme et de sa douce quiétude, mais finalement les pousuites ainsi exercées ne peuvent que compromettre la liquidation définitive. L’ensemble de l’actif social peut avoir une valeur considérable et peut produire de quoi indemniser, dans une certaine me sure, le capital actuel, mais à la condition qu’il sera t intégral, qu’il sera complet, qu’aucune partie de l’édifice ne manquera. Supposez que les mêmes créanciers, qui ont saisi la caisse du liquidateur, saisissent le matériel de Panama; que l’on saisisse une drague et la fasse vendre, un autre les bâtiments, un autre les approvisionne ments, etc., en un tour de main l’affaire sera disloquée et ne vaudra plus rien ; c’est pourquoi, tout en critiquant la conduite du liquidateur, nous engageons les créan ciers à ne pas entrer dans une voie qui conduit l’entreprise à sa perte définitive et consacre définitivement la perte de leurs créances. En poursuivant individuellement, ils donnent aussi un prétexte au liquidateur pour justifier son insuccès et son apathie. Quand on lui reprochera la ruine du canal, il pourra répondre qne les poursuites des créanciers l’ont paralysé et empêché de réa...

À propos

Lancée en 1862, La France était un quotidien suivant une ligne éditoriale à la fois libérale et favorable au Second Empire. Durant la Commune de Paris, le quotidien publia également une édition départementale imprimée à Tours. En 1874, Émile de Girardin, fondateur de La Presse et grand entrepreneur médiatique également proche d’Adolphe Thiers et de Gambetta, rachète le journal. Sur quatre pages, on y écrit de longs articles, en plusieurs parties, qui s’étendent parfois même sur plusieurs jours.

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