Extrait du journal

De famille,on ne lui en connaissait pas; ses origines étaient perdues dans une ombre discrète. L'époque même à laquelle il s'établit à St-Sauveur, dans sa masure au bord de l'eau,à l'extrémité du faubourg, demeurait ignorée de tous.Les débuts de sa carrièrl1 furent des plus humbles; les plus petites opérations paraissaient l'effaroucher lui-même; il procédait par tâtonnements peureux,comme surpris de l'impunité ; puis il s'enhardit peu il peu, appuyé de plus en plus sur la crainte et la crédulité, sur l'élan profond et ineffable du peuple vers le miracle. Sa clientèle augmenta sans qu'il eût rien fait en apparence pour l'attirer à lui, et. au moment où sa réputation de sorcier commença à courir le pays,on apprit qu'il était d'un grand âge et parlait d unevoix enrouée, comme une très vieille femme. Il avait toujours dû titre faible, alors même que le sang de la jeunesse réchauffait ses veines desséchées. Il semblait que son corps se fût trouvé arrêté dans son développement par 10 une âme trop forte, dans laquelle e désir indomptable avait tenu en suspens toutes les expansions de la nature. Sans doute, il avait longuement essuyé, sans armes, le mépris de la part d'êtres qui ne le valaient pas. U n'avait pas trouvé de pitié ; cela se voyait à ses lèvres scel-...