Extrait du journal

C'était bien la plus pauvre tribu de l'Arabie Pétrée, que la tribu des Harami. N'ayant jamais acquitté sa dîme aux rois des fédérations bédouines on lui contestait l'accès des pâturages et des landes, et elle ne pouvait camper aux haltes et autour des abreuvoirs que la durée d'une aurore. Aussi cette peuplade errante, vagabondait inlassablement des gorges enflammées de Moab aux solitudes bitumeuses de la Mer Morte ; elle passait et repassait pédestre, furtive, l'œil aux aguets, et poussait devant-elle, pour le faire paitre — sur le sol calciné — son troupeau lamentable. Les chameaux noirs, rabougris, broussailleux, amblaient mélancoliquement, col et lippes tendus vers une herbe illusoire ; et les chèvres efflanquées, aux oreilles pendantes, broutaient la poussière et lèchaient des plaques de sel. Les hommes, drapés de manteaux effilochés, la tête ceinte d'une corde de laine, figures inquiètes, gestes fuyants, étaient armés de mousquets dont le canon ébréché luisait derrière l'épaule gauche, et de coutelas qui étalaient le luxe piteux de leurs manches d'étain sur la maigreur des poitrines. Les femmes, aux vêtements sombres, marchaient vite et sans bruit, mystérieusement ; leurs pieds disparaissaient sous les robes, leurs mains sous les manches, leurs yeux sous des voiles. De petits ânes pelés portaient des paniers d'où se penchaient, pareilles à des fleurs fanées, des tètes d'enfants. Des chiens calleux suivaient, tirant la langue....