Extrait du journal

Chargée de tristesse et de tendresse, dorée par la lumière magnifique de l'été — et lourde de tout l'orage qui montait déjà avec les nuages de cuivre et de flammes sur l'horizon, elle était bien, n'est-ce pas mon aimé, le reflet de notre cher bonheur plein d'angoisses?... J'étais tout enveloppée de ces pensées, elles me prenaient l'âme comme des grandes caresses passionnées... je n'avais point peur du tonnerre et des éclairs... ils s'accordaient bien, déchirant le ciel et l'air, aux battements de mon cœur qui te suivait dnn" ta route pendant cette nuit qui t'('loignaH de moi... Chose étrange! je ne ressentais pas très nettement la vive douleur de la séparation... Je t'aimais tant — comprends moi bien 1 — à ce moment là que je ne te sentais pas absent.."Tu peux comprendre cela dis,mon amour? cela ne te fait pas de peine?... La maison était secouée par le vent comme un vaisseau par la mer. J'avais laissé mes volets ouverts et à chaque instant toute la chambre était remplie de la lumière livide des éclairs... Oui... j'aimais cette tourmente, ce danger presque, quand, soudain je me suis trouvée éveillée de cette sorte de torpeur voluptueuse... et, debout, tremblante, désespérée, je n'avais plus qu'une idée fixe, désolante... Tu te souviens qu'hier j'avais emporté au jardin pour les relire avec toi quelques-unes de tes lettres... tu sais dans quelle mémoire délicieuse enivrée cette lecture nous avait plongés... puis je les avais toutes réunies précieusement... Mais tout à coup nous nous sommes aperçus que tu étais en retard, et sommes partis vite... En m'en allant, j'ai tourné la tête et regardé vers la place que nous quittions, et j'ai vu par terre un petit carré de papier blanc : c'était une des lettres tombée là......