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La Gazette de Biarritz-Bayonne et Saint-Jean-de-Luz, 2 février 1922

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La Gazette de Biarritz-Bayonne et Saint-Jean-de-Luz
2 février 1922


Extrait du journal

Jadis, lorsque, après avoir exercé une fonction, on prenait sa retraite, on en abandonnait le titre en même temps que les prérogatives, et l’on redevenait un simple particulier. Quelques-uns s'en accommodaient volontiers, et se trouvaient même heureux de terminer leur vie dans le repos et l’obscurité ; mais c’était une infime minorité ! En général, ce n’était pas sans mélancolie que le retraité considérait cet amoin drissement de sa personnalité ; certains y voyaient même une sorte de déchéan ce quelque peu humiliante. Aussi, peu à peu, l’idée se fit jour de conserver à celui qui avait exercé des fonctions, souvent élevées et toujours honorables, au moins un titre honorifique qui rap pelât son ancienne situation dans la hiérarchie sociale. Il semble bien que c’est dans la car rière de l'Enseignement que tout d’a bord l’idée fut réalisée de façon effec tive. L’usage s’y établit Je donner au professeur qui, après de longues années d’exercice, avait résigné ses fonctions, le titre de « professeur émérite ». Ce mot, qui vient du latin et s’appliquait, à Rome, au soldat ayant terminé son temps de service, est actuellement dé tourné, dans le langage courant, de sa vraie signification, et il est devenu un synonyme du mot « éminent », usage contre lenuel protestent en vain les gens soucieux de la propriété des ter mes employés. Pour cette raison ou pour toute au tre, le mot « émérite » est présente ment tombé en désuétude, et il a été remplacé par un mot qui ne prête point à l'équivoque et se rapproche plus de l’idée qu’on veut exprimer : c’est le mot « honoraire », également détourné une peu de sa signification primitive. Dans l’origine, en effet, il s’appliquait non point à celui à celui qui avait cessé d'exercer ses fonctions, mais à un per sonnage généralement considérable à qui on concédait, pour lui faire hon neur, le titre d’une fonction qu’il ne remplissait point. C’est ainsi que quel ques grandes institutions comptaient des membres actifs et des membre0 honoraires. Il en va d’ailleurs encore de même dans certains cas : il est des associations professionnelles qui, au tant pour se donner du lustre que pour accroître leurs ressources, nomment des membres honoraires, dont l’unique fonction consiste à payer une cotisa tion plus élevée que celle des mem bres actifs. Mais le véritable honorariat est celui qui est conféré aux retraités des gran des carrières publiques, et c’est dans le professorat (où l’on ne voit plus de professeurs émérites), et dans l’admi nistration des Finances qu’il a d’abord été le plus répandu. Puis l’usage s’est étendu rapidement à la magistrature et aux carrières administratives, où l’honorariat est conféré par décision ministérielle. 11 faut croire que ce procédé de ré compenser de longs services sans qu’il en coûte rien et d’adoucir l'amertume de la retraite, a fait ses preuves et est trouvé excellent, car il a été aussi adopté ces dernières années à la fois par le barreau et la Comédie-Française. Il y a donc aujourd’hui des avocats auxquels le Conseil de l’Ordre confère l’honorariat, comme il y a des acteurs et des actrices auxquels le Comité ac corde cette faveur. Il faut, toutefois, ajouter que, dans ce dernier cas, l’honorariat est d’une nature un peu spé ciale, puisque, loin de consacrer une retraite définitive, il est comme une porte restée ouverte sur le théâtre, et permet au sociétaire honoraire de re paraître sur une scène, dont comédiens et comédiennes ont souvent tant de peine à se détacher. C’est ce que, dans le style de l’endroit, on peut appeler une fausse sortie. L’honorariat ne borne pas là ses con quêtes ; il les a étendues jusque dans le domaine politique, et, bien qu’il n o père point sous son nom, cette con quête-là vaut d'être mentionnée. J’avoue, sans orgueil comme sans honte, ne point fréquenter assidûment les parlementaires, aussi n’est-ce que récemment que j’ai été mis au courant de la nouvelle mode qui règne chez eux. C’était chez des amis, dans un déjeu ner; je ne fus pas peu surpris d enten dre appeler « Monsieur le ministre » un convive d’aspect modeste, qui ne paraissait point accablé sous le fardeau du pouvoir, et qui ne nous avait même pas donné la preuve de cette haute fonction en se faisant attendre une demi-heure ou une heure. Son nom, dont je m’informai discrètement, ne me renseigna guère. z Ce n’est qu’après son départ que j’eus la clef de ce petit mystère. Le personnage en question n était point ministre, maris il avait fait partie d une combinaison ministérielle, quinze ou...

À propos

La Gazette de Bayonne de Biarritz et du Pays basque fut un quotidien régional publié entre 1923 et 1940. Son propriétaire Richard Chapon contrôlait alors un vaste réseau de publications en Aquitaine, dont La Petite Gironde. La Gazette de Bayonne de Biarritz et du Pays basque y piochait parfois des articles, voire des rubriques entières. Son contenu est, à l’exception de la troisième page, identique à celui de La Gazette de Biarritz-Bayonne et Saint-Jean-de-Luz, publication jumelle.

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