Extrait du journal
Nous vivons en démocratie et dans tm pays de loi salique. Notre peuple conserve un goût très vif pour les cou ronnes, et comme il s’est interdit de s’incliner devant les rois, il emploie ses loisirs à élire des reines : reines de la beauté, reine du Carnaval, reine du quartier Latin, reine des reines ! Et cette foule de royautés se prend plus bu sérieux qu’on n’imagine, manifeste, reçoit les hommages, tandis que leurs sujets s’enchantent de prononcer les mots ronflants de Majesté, d'Altesse tout comme des snobs empressés de vant quelque prince de couleur. Il est une souveraineté qui n’est pas près d’ê tre abolie chez nous : c’est celle de la femme. La guerre, où le mâle a fait éclater sa supériorité, semblait lui avoir ravi un peu de son pouvoir. Elle l'a vite re trouvé. Elle l’exerce, plus absolu que jamais, s’étant instruite d'une nouvelle expérience durant ces cinq années de catastrophes. Sa beauté qui, selon le mot de Sully Prud’homme. « se rend préférable à tout, même au bonheur ». range sous ses lois les guerriers désar més et soumis. J’avais un vieil ami qui sc plaisait uniquement dans la société des femmes. Il souriait quand il voyait une d’elles consulter le Code pour y trouver la lettre de ses droits. « Qu’elle se consulte donc elle-même dans son miroir, de la tête aux pieds, disait-il et elle saura vraiment à quoi s’en te nir ! » La souveraineté de la femme n’est inscrite dans aucun de nos recueils de jurisprudence. On y trouve même le contraire. Mais la nature et les mœurs sont plus fortes que le législateur. Il a prétendu soumettre la femme à son seigneur et maître. Elle lui doit obéir, sous peine de graves sanctions. Vani tés ! La femme, elle, ne commande qu’au cœur. Elle ne peut infliger que des peines spirituelles. Elle ne peut faire traîner dans les fers un pauvre homme coupable à son égard du crime de lèse-majesté. Elle n’a que faire de ces contraintes pour exercer la magis trature que la Providence lui a con fiée î Il y a peut-être sous des latitudes sans clémence des peuples où l’amour n’est point la plus importante affaire de l’existence, où la femme n’est point la faible et souple cariatide qui porte le monde sur son épaule plus facile ment qu’Atlas. Comme nous sommes loin de ces pays-là ! Est-il possible de faire un pas sur le pavé de Paris sans distinguer immédiatement que notre capitale fleurit sous un règne féminin? Les étalages mettent sous les yeux tout ce qui peut plair aux femmes ou flatter leurs goûts, tout ce qui est capable de les embellir, d’assurer leur domination. Les orchidées les plus rares, les rose? les plus parfumées, les œillets les plu* éclatants se composent chaque ma tir pour elles en bouquets, en corbeilles ou en gerbes. Il n’est pas jusqu’aux vi trines du plus banal cordonnier qui ne fassent rêver délicieusement à la « dé marche de la déesse ». Des milliers d’ouvriers et d’ouvrières travaillent en toutes saisons pour sa parure, comme jadis pour la gloire des Pharaons. La rue de la Paix, étincelante de perles, de diamants et d’émeraudes, lui fait une sorte de voie sacrée où chaque jour se déroule son triomphe. Elle traverse son royaume avec une désinvolture, une frivolité dédaigneuse et souriant que la plus grande princesse welche envie à la plus petite fille du trottoir parisien. Tous les soins lui sont dus et tous les hommages vont à elle. Mais je ne sais point de littérature où se retrou vent les accents déchirants inventés par un Chateaubriand vieilli pour pleurer l’amour avec noblesse et dignité. Quel hommage plus magnifique" que cette page des « Mémoires d’outre-tombe » où le grand écrivain avoue sa détresse d’homme vieillissant : « Les oiseaux, les fleurs, une belle soirée de la fin d’avril, une belle nuit commencée le soir avec le premier rossignol, achevée le matin avec la première hirondelle, ces choses qui donnent le besoin et le désir du bonheur vous tuent. De pa reils charmes, vous les sentez encore, mais ils ne sont plus pour vous... Vous pouvez aimer, mais on ne peut plus vous aimer... » Quel sillage la pliante Mme de Beaumont, la triomphante vi comtesse de Ncailles et les autres avaient-elles laissé dans le cœur du poète pour y entretenir ce frémisse ment ? Quelle royauté bien assise de la femme sur cette âme pourtant pleine d’elle-même ! Il est des moralistes pour s’en afflijrçr. Ce sont des fous a la manière de cet Haeckel qui affirmait qu’une civili. sation où la femme tenait cette place de souveraine était fatalement uné ci...
À propos
La Gazette de Bayonne de Biarritz et du Pays basque fut un quotidien régional publié entre 1923 et 1940. Son propriétaire Richard Chapon contrôlait alors un vaste réseau de publications en Aquitaine, dont La Petite Gironde. La Gazette de Bayonne de Biarritz et du Pays basque y piochait parfois des articles, voire des rubriques entières. Son contenu est, à l’exception de la troisième page, identique à celui de La Gazette de Biarritz-Bayonne et Saint-Jean-de-Luz, publication jumelle.
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