Extrait du journal

Les motifs du départ de M. Briand Ces explications — si l’on en croit du moins les communiqués officiels — avaient été convaincantes. Alors ? Non. Les parlementaires pensent qu'il faut simplement chercher la cause du dé part de M. Briand dans l’attitude même/ d’une partie de la Chambre, lors des pas sages les plus caractéristiques de son dis cours. Il est évident que ce discours allait être suivi de nombreuses demandes d’inter pellations avec discussion immédiate. Or, si M. Briand acceptait la discussion immé diate, il ne pouvait repartir pour Cannes, et c’était une diminution. Mais s’il ne l’acceptait pas, le fait d’ex poser une thèse sans donner à la Chambre la possibilité d’entendre les thèses contrai res, pouvait encore accentuer certaines marques de défaveur. Cependant l’opinion générale est que M. Briand aurait eu sa majorité. Et certains insinuent que s’il a voulu tomber devant la Chambre, c’est parce qu’il craignait le sort qui l’attendait sûrement devant Je Sénat. Au Luxembourg Paris. — La nouvelle de la démission de M. Briand, téléphonée au Sénat, s’est ré pandue rapidement dans les couloirs où se trouvaient 'presque tous les membres de l’Assemblée qui ne faisaient dans la salle de séances que de brèves apparitions pour déposer dans l’urne leurs bulletins. La première impression fut de surprise et même d’incrédulité. Jusqu’à ce moment, en effet, tout le monde était convaincu que le président du Conseil ne pouvait manquer d’obtenir de la Chambre un vote de confiance. On s'attendait même à ce qu'il vint aussitôt au Sénat répéter ses dé clarations. On ignorait dans quelles conditions M. Briand avait abandonné la salle des séan-ces du Palais-Bourbon. La surprise redou-, bla lorsque quelques sénateurs qui avaient assisté à la séance de la Chambre vinrent affirmer qu’après un faux départ, M. Briand avait achevé son discours, « en laissant à d’autres le soin de continuer. » Une telle attitude paraissait inexplicable parce que invraisemblable. Des groupes se formaient, très animés, où M. Poirvcaré, no tamment, était très entouré L’opinion gé néralement émise était que la crise actuelle s’annonçait comme particulièrement grave. Les communiqués avaient fait savoir qu’au Conseil des ministres, M. Briand avait été unanimement approuvé par ses collègues. C’était donc pour donner leur démission qu’ils s’étaient mis pleinement d’accord. Des membres de la Haute Assemblée n’hésitaient pas à dire que, dans les cir constances actuelles, le fait d’abandonner brusquement le pouvoir sans l’excuse d’une désapprobation formelle du Parlement constituait une faute. D’autres émettaient l’opinion qu'en se retirant dans de telles conditions, le président du Conseil décou vrait le Président de la République. Cer tains pensaient que M. Millerand n’accep terait pas — et ne pouvait pas accepter — la démission de M. Briand. En somme, étant donné le manque d’in formations exactes et précises sur les rai sons qui avaient dicté la résolution de M. Briand, la très grande majorité des séna teurs se tenaient sur la réserve quant à la façon dont la crise pourrait se dénouer....