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La Gazette de Château-Gontier, 1 janvier 1933

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La Gazette de Château-Gontier
1 janvier 1933


Extrait du journal

Au moment d’écrire le bilan de l’année qui vient de finir, le chroniqueur est effrayé en cons tatant combien cette année fut mauvaise à tous les points de vue. Notre mémoire cherche en vain quelque fait qui puisse réjouir l’âme. Dans la longue suite des événements, rien n’apparaît qui rende un son vraiment national ou qui favorise notre pays. Certes, nous avons passé de bien tristes années. Quand on réfléchit, quand on étudie les faits dans leurs répercussions, quand on regarde à l’étranger, on se dit que ces tristes années étaient encore meil leures que celle qui se termine. Le plus pénible, c’est qu’aucune lueur ne semble paraître pour annoncer la fin de ces tristesses. Bien que certains prétendent le contraire, aucune aube ne se lève en nous laissant prévoir des jours meilleurs. Si la crise a commencé à nous faire souffrir dès 1930, on peut affirmer qu’en 1932 elle fut beau coup plus intense. 11 sera même permis de dire que 1932 fut l’an née de la grande crise. Crise économique... Crise politique... *** Voilà deux ans que la France est entrée dans la crise économique mondiale. Depuis un an elle y est pleinement. Les statistiques nous démontrent que notre commerce, très ralenti en 1931, a encore baissé cette année. Notre commerce extérieur est en déficit crois sant de mois en mois. La balance de nos exporta tions avec no» importations démontre une perte chaque semaine plus forte. En 1927, nous avions encore un excédent de 216 millions ; en 1928, notre balance est en défi cit de trois milliards 674 millions ; en 1932, les cinq premiers mois seuls ont donné un déficit de quatre milliards 555 millions. Nous exportons beaucoup moins qu’avant la guerre, surtout moins d’objets manufacturés, moins d’articles de luxe. Donc nos ouvriers ont moins de travail. Nos bateaux restent désarmés, nos marins attendent dans les ports. | Le commerce de détail n’est pas plus heureux. '•De tous côtés nos petits boutiquiers se plaignent 'tout autant que les grands magasins. L’argent se faisant rare, le client ne se montre guère. Aussi jamais n’a-t-on vu autant de commerçants gênés. Les uns ferment boutique : les plus heureux après l’avoir cédée, les autres en liquidant de leur mieux. Trop nombreuses sont les liquidations judiciaires, les faillites. L’acheteur plus rare, les frais anormaux, l’im pôt excessif, ont tué le commerce de détail qui faisait vivre le commerce de gros. L’industrie, nécessairement, est tombée, et très gravement, par la ruine du commerce. Les marchandises se vendant mal, inutile de fabriquer. De nombreuses usines ont fermé leurs portes ; d’autres ne travaillent qu’au ralenti, avec un personnel très diminué, quelques jours seulement par semaine. C’est le chômage en grand ; pas encore comme dans les pays industriels qui nous entourent, mais trop fort quand même. Si le nombre officiel des chômeurs a un peu diminué en fin d’année, il fut trop élevé en mars et avril. Et on ne cite dans les statistiques que les chômeurs officiels inscrits à des bureaux publics et recevant un secours. En dehors de ceux-ci, il y en a d’autres, fort inté ressants et nombreux, qui souffrent en silence et cherchent vainement une occupation. *** L’agriculture, qui chez nous est vraiment la nourricière de la nation, souffre grandement elle aussi de la crise. Pour elle, cela date de 1929. Mais c’est depuis 18 mois que le mal fait des pro grès rapides. La mévente du blé a failli nous conduire à un cataclysme économique. Le bétail lui aussi est à vil prix. Cependant, le paysan est obligé de payer un prix élevé tout ce qu’il achète : instruments et engrais. Grâce à son économie proverbiale, il se tire encore à peu près d’affaire... Mais si la crise dure trop longtemps, on ne peut prévoir quel en sera l’aboutissement. A la crise du blé et du bétail s’est ajoutée cette année la crise du vin. 1932 a été marquée par des pluies anormales dans tout le Midi, pluies qui maintenant encore menacent de ruine toute une riche région. Le bilan de l’année économique est franchement mauvais. **• Avons-nous quelque raison de nous réjouir au point de vue politique ? Politique étrangère... Nos gouvernants conti nuent les errements de Briand, qui fit tant de mal à la France par ses renoncements successifs à nos droits les plus sacrés. Briand est mort au début de l’année, le 7 mars. On a voulu faire de lui le « pèlerin s et P « apôtre de la paix ». Oui, il fut paci fiste à tout prix, mais aux dépens de notre patrie, et l’histoire jugera sévèrement l’homme qui plus que tout autre gâcha notre victoire et fut respon sable de notre situation amoindrie devant les au tres nations. . . Le Ministère Tardieu accepta de prendre part ù la Conférence du Désarmement, puis, peu après, une autre Conférence s’ouvrit à Lausanne pour traiter des réparations. Ces conférences, qui prennent un temps très précieux à nos gouvernants, et qui nous coûtent rés çher, ont pour effet pratique de nous diminuer e plus en plus devant les autres peuples....

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Lancé en 1878, La Gazette de Château-Gontier fut un bihebdomadaire, puis un hebdomadaire local. Collaborationniste pendant l’occupation, il est interdit en 1944.

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