Extrait du journal

seaux, il avait un charme non moins grand dans la mélancolie de cette journée d’hiver. Les arbres, il est vrai, montraient la tristesse de leurs branches dépouillées, maie le lierre enserrait les troncs vigoureux d’une gaine de feuillage; le gui, au faite des chênes et des pommiers, offrait à la gourmandise des merles et des grives l’appât de ses perles blanches; des quinconces de thuyas, de tamaris, de fusains, coupaient la monotonie des pelouses desséchées, et les fûts sveltes des sapins s’élevaient le long des allées ou formaient des bois épais, dans lesquels le vent de mer jouait d’étranges mélodies. Puis, il y avait des buissons de houx piqués de baies éclatantes, des tapis de mousse plus doux qu’un tapis d’Orient. Avec cela, des pépiements de moineaux, la chan son lointaine de l’océan ; dans l’air, des senteurs résineuses jointes à l’âpre saveur du sel marin. Suzan respira longuement au milieu de la grande allée qu’elle suivait d’un pas rapide. — Ohl qu’il fait bon!... Elle marchait depuis une demiheure, et, grisée de mouvement, toute au charme de cette promenade mati nale, elle en oubliait le but avoué et le but inavoué dans la joie de vivre qui remplissait son âme... La piqûre d’une épine de houx vint lut rappeler les jardinières vides. Elle se mît à rire, regarda avec extase le buisson criblé de baies de corail, et dit à demi-voix : • Ta cruauté te perd. Pourquoi m’as tu fait mal ? Je n’aurais pas pris garde à ta beauté. Maintenant, je me venge....