Extrait du journal

I Première partie Dans la ville de. Liverpool, un jour de janvier 1905, la salle de Conseil de « la Compagnie de Navigation des Iles » se reposait, pour ainsi dire, après les labeurs de l’après-midi. La longue table était encore encombrée d’encre, de plies, de buvards, des papiers de six personnes : champ de bataille de l’intelligence, maintenant désert. Et seul, dans son fauteuil de président, au haut bout de la table, le vieux Sylvanus Heythorp était assis, les yeux fermés, lourd et tranquille comme une image. Une de ses mains, faible et bouffie, aux doigts tremblants, reposait sur le bras du fauteuil; sur sa tête massive, l’épaisse chevelure blanche luisait à la lumière d’une lampe voilée de vert. Il ne dormait pas, car de temps en temps ses joues rouges se gonflaient, et un son, moitié soupir, moitié grognement, s’échappait de ses grosses lèvres, entre la moustache blanche et la petite touffe de poils blancs au-dessus de son menton fendu. Affaissé dans le fauteuil, ce corps trapu, vêtu d’un pardessus court de passeport noir, semblait privé de son cou....