Extrait du journal

Odette Lestiboudois trottait autour de la table avec la grâce sérieuse d’une petite personne attentive à sa tâche. Elle mettait le couvert, sans bruit, sans heurt, le geste et le pas mesurés. Sa seule tenue, modeste et grave à la fois, aurait suffi à déceler son équilibre mental, comme sa parole bien articulée traduisait la netteté de ses idées. L’ordre, la pondération et la probité de ses parents, héritées par elle comme par Jeanne, la sœur aînée, elle les relevait de vivacité et de tendre malice, tandis que son frère Julien et son autre sœur, Andrée, paraissaient avoir quelque dédain pour ces qualités passives et leur opposaient des défauts personnels. L’esprit grondeur et la nature rageuse de l’un s’accordaient à l’ardeur brouillonne de l’autre et à son besoin incompréhensible de contradiction. Ils avaient, de plus, un trait commun qui vous gâte une âme comme un ver pourrit le fruit, c’était l’envie....