Extrait du journal

Vous portez une épée et je porte une lyre. Vous avez, maréchal, le superbe délire Des drapeaux déployés et des tambours battants; Moi j’adore les nids, les doux rameaux flottants, Le clair soleil, l’azur, la prairie étoilée, Et j’en ai pour un jour d’une fleur contemplée, D'un souffle dans les bois, d’une aile d’or dans l’air. Vous rêvez pour l’histoire une France de fer, La tête dans les cieux et le pied sur le monde ; Je demande pour tous l’immense paix féconde, La concorde, l’amour, l’espérance, l’oubli, Et je suis effaré lorsque je vois le pli Qu’un clairon embouché fait aux lèvres d’un homme. Dans Sparte, dans Paris, dans Athènes, dans Rome, Vous cherchez le héros, je cherche les rêveurs. Vous croyez à des gens qu’on nomme des sauveurs ; J e ne crois qu’à des fous amoureux de leur rêve, Et c’est à ces sauveurs, les seuls vrais, que j’élève Un hautain piédestal dans mes strophes taillé. Voltaire flagellé, Victor Ilugo raillé No sont pour vous qu’un peu de fumée et de cendre ; Buonaparte, César, Tamerlan, Alexandre, Terribles, tiers d’avoir au-dessus de leur front L’ombre que les corbeaux font en volant en rond, Ne sont, pour moi qu’un peu de cendre et de fumée. Je prononce : le Peuple où vous lisez : l’Armée. Pourtant, tout compte fait, nous livrons tous les deux Une lutte obstinée au destin hasardeux Et, dans nos temps fermés au geste de l’apôtre, Vous êtes un soldat, mais moi j’en suis uu autre. C’est pourquoi nous allons d’hier et de demain Causer la tête haute et le cœur dans la main, Comme on cause au bivouac entre vieux capitaines. Ainsi donc, vous avez des colères hautaines ? Vous dites : Mon épée et mon gouvernement ? Vous coupez la parole à votre Parlement . Comme dans les faubourgs la police bourrue Fait taire un joueur d’orgue à l’angle d’une rue - \ Kl vous êtes de ceux qui se font un devoir v 5D’opposer tout-à-coup les digues du pouvoir * An peuple, cotte mer grue le ruisseau diffame ?...