Extrait du journal

Chaque jour, après avoir marmotté une douzaine de fois les Pater et les Ave de son chapelet, ma bonne tante Aurore, chanoinesse du chapitre des Dames-Nobles de Saint-Pompajoux, le retirait avec des précautions dévotes d'un chiffonnier en bois de rose, où il reposait parmi des sachets de soie et des vieilleries qui fleuraient l'odeur vague et douce des choses anciennes. Et ces lunettes cerclées d'or ajustées sur le nez, de ses mains tremblantes, gantées de mitaines noires, elle tournait les pages, la poitrine soulevée parfois de gros soupirs, les lèvres entr'ouvertes par un sourire recueilli. Elle lisait, s'attardant à certaines dates, comme si elle eût croqué un bonbon exquis, laissant retomber le gros livre sur ses genoux, pour courir après les souvenirs perdus, pour rêver en une paix profonde du cher passé où elle avait eu vingt ans, où elle avait aimé....