Extrait du journal

M. Jaurès est arrivé à ses fias. Il disait, lundi, à la Chambre, dans une interruption : « Le pays ne demande qu’un accident qui le débarrasse de la loi Je trois ans. » C’était l'annonce du coup qu’il préparait. Laccident était prévu : il n’y avait plus qu'à le faire éclater. C’est à quoi s’employa aussitôt M. Jaurès, en interrompant encore unefois, pour poser la question, tenue en réserve depuis trois semaines : « Il faut 70 ou 80.000 hommes de moins que n’en demande le gouvernement. L’essence même du projet de loi est en jeu dans celte question de chiffres. * Immédiatement, comme sur un signal. MM. Chautemps et Bachimont s écriaient : « Nous demandons le renvoi du projet à la commission. « Mais M. Augagneur, agacé des interruptions, voulut absolument continuer son discours. Il faut donc s’y reprendre le lendemain matin. M. Jaurès était à son poste, avec ses 80.000 hommes. M. le général Legrand venait d’opposer une réponse technique, excellente et précise, aux calculs de M. Augagneur. L’impression était forte, la Chambre frappée par cette parole de soldat, les ennemis des trois ans embarrassés. Si on eût voté là-dessus, comme il l’eût fallu, M. Augagneur était en déroute. A tout prix, il fallait empêcher cela. M. Jaurès parut à la tribune et, laissant là M. Augagneur et son projet, fit à la Chambre, du ton d'un homme qui demande ingénumeotia lumière, le récit des discussions de chiffres qu’il avait soulevées devant la commission de l’armée, et dont, en leur temps, j ai cherché ici à percer un peu l’obscurité. Il était midi. La Chambre, incertaine, inquiète, ne trouvant pas, sur l’heure, en face d’elle, la parole précise qui aurait pu, d’un coup, trancher le débat, renvoya le projet à la commis scion, et la séance au lendemain soir. Le coup était fait....