Extrait du journal

t Pour Jules Lemaître. Sur le lac Bahira. bleu sous le ciel d’azur. Où le rose flamant baigne ses longues pattes,’ Deux hommes devisaient dans un français très pur, Voguant en balancelle et couchés sur des nattes. L’un. Mohammed, arabe, un enfant de Tunis, Disait à l’autre : — Ami. nous adorons fa France... Mais si vous subissez l’empire des coudais, Pouvons-nous conserver la force et l’espérance? Le Français soupira bruyamment. Un juron Formidable et salé s’échappa de sa bouche... Les rayons de la lune argentaient l’aviron Et l’Arabe, pensif, s’étendit sur sa couche. Le bateau s’avançait au large. On ne voyait One la côte jaunie et la mer calme et douce... Et, tout au loin, Tunis, à la blancheur de lait. Soudain la balancelle eut comme une secousse... L’Arabe s’éveilla. L’autre, transfiguré, Tout debout sur le pont de l’exquis plat et frêle, Semblait apercevoir, dans un rêve doré, Quelque mirage étrange. Et laissant, pêle-mêle, lies paroles venir : — Je vois, dit-il, au loin, L’Avenir s’éclairer, et la patrie auguste S’inquiétant que désormais on prenne soin De (aire bien, de faire vrai, de faire justel... Et, — de l’autre côté de la mer, — ce voyant Entrevit dans un nimbe, au rivage de France, Une armée, innombrable et populaire, ayant A tous les fronts, des feux de Gloire et d Espérance !...