Extrait du journal

rivière, à côte de tel peuplier; vous le trouverez, et il aura une pierre dans la main gauche. » — Et on l’a retrouvé? — Oui. monsieur, à l’endroit même ; il serrait un caillou dans sa main gauche. — Et la vogue est venue â ce mo ment-là? — Oui... Et la renommée a toujours augmenté... Elle n’a jamais couru après le monde, mais le monde est venu. La vieille respire avec effort, la sueur coule, suivant, dans la graisse, les rigoles profondes que font les rides. — A-t-on consulte les médecins? — Ah! ben oui! des médecins, dit la malade avec un sourire mauvais, je les connais, les médecins. La sorcière n attend rien de rien ; elle s’abandonne au sort. Je sens que je suis un intrus dans la ma'son de la dormeuse, qui ne peut plus dormir : elle me fixe de scs yeux vitreux et inquiets. — Ne parlez plus, s’il vous plaît, ditelle. Je me tiens un moment silencieux, tan dis que la plus jeune maritorne chasse plus activement les mouches acharnées. Je me retire à regret; peut-être que tout à coup j’aurais vu s’enfuir les sorcières, qui sur le manche du balai, qui sur la queue de la poêle. Les anecdotes sur la somnambule sont innombrables : il y en a de grotesques et de macabres, il y en a de salées. — Figurez-vous, me dit un aubergiste finaud et goguenard, quelle a eu pour amoureux un homme marte... La femme du galant s’en vint à la dormeuse pour savoir si son mari lui était infidèle ! — Elle tombait bien... et alors ? — Alors, la dormeuse se met en train, demande l’objet ayant appartenu à la per sonne, et après milles grimaces... — Elle déclare, je parie, que nul n’est plus sage que !c mari de sa cliente ? — Précisément, dit le bonhomme, en éclatant de rire, la farce était bien, bonne. — Uu’ordonnaii-cllc aux malades ? — Des herbes, ou encore des drogues que lui indiquait un pharmacien, son com père : des tisanes, des vins. — Rien que d’excellent. — En voilà tout de même une femme, dit l’hôtelier avec admiration, elle ne sait rien, ni lire, ni écrire et elle en remontre aux plus malins. Elle gardait les moutons quand elle était petite, et comme elle dor mait tout le temps, on la croyait mali cieuse et fainéante. Depuis, elle a fait sa pelote.., regardez côttè maison... et clic en a d’autres, elle a des terres et de bons prés. Ali ! si j’avais eu la vocation, moi aussi, je me serais fait dormeur. — Il est encore temps — Non, je suis trop vieux, et puis, je ne pourrais peut-être pas tenir mon sérieux ; dit le bonhomme, très humble, confessant son infériorité. Il est vrai que la justice est aussi à craindre. Il y a une sorcière à Niort, sous les verrous... et tenez, à Pouzauges un imbécile s’est fait pincer ; il or donne la quinine de mort, le client déterre une morte et coupe le sein pour faire sa médecine... les gendarmes l’ont emmené avec le sorcier. — • C’est là l’ennui du métier. — Quand même... il y a toujours des gens qui viennent, jusqu’à dix et douze personnes tous les jours, quelquefois le char-a-bancs est au complet. Et dire que c’est si simple... par exemple, le bon dieu ci'Aziré. Philibert de son vrai nom, ch bien! vous le croirez si vous voulez, il a été en service chez moi... et il n "était pas malin ! Le brave paysan vendéen hausse les épaules et je ne sais s'il se moque de la sottise humaine, où s’il peste contre la fortune qui court aveuglément aux plus sots- I-’clix HAUTFORT....