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La Petite Gironde, 3 septembre 1940

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La Petite Gironde
3 septembre 1940


Extrait du journal

C’est une école de campagne, bâtie à côté de la mairie d’un village girondin. Elle est coquette et soi gnée. Ses salles de classe s’ouvrent sur un jardin plein de verdure et de mystère. La cour est recouverte de sable blond, Une petite maison clelre et bien, che, comme toutes celles du pays de France. Ce matin, elle s’est réveillée de son sommeil des vacances. Bien avant 8 heures, elle frémissait de voix d’enfants. Dame, ce n’était pas encore le tumulte des récréations ordinaires, car le jour de la rentrée est un jour grave et presque solennel, maie comme une bouffée de jeunesse et de renouveau qui venait rafraîchir la vieille petite école. Les bambins avaient fait toilette, et l’on remarquait, dans des coins, les nouveaux, qui n’ont jamais çuitté le foyer, et arrivent chargés des craintes que les heures dissiperont. Les anciens ont l’habitude de ces rentrées, et leur souci de garder une allure délibérée les console déjà de la perte des longues promenades et des jeux qui ignoraient le souci de la page à copier ou de la fable si longue et si difficile. Tous, le maître les attend. Celui-ci parait jeune, malgré des cheveux blancs aux tempes et quelques rides que la quarantaine bien sonnée a tracées sur son visage. Un petit a demandé pourquoi, lorsqu’il marche, si fier et si droit, sa jambe raidie semble le retenir, et un aîné, bien renseigné et au courant de tout, ainsi qu’il se doit, explique qu’autrefois, à Verdun, un éclat d’obus... et mon tre du doigt le fin ruban jaune que souligne le noir du veston. Le maître a retrouvé ses élèves, qu’il interroge sur leur famille et les semaines écoulées. A l’écart, il en est un dont le sourire est triste parce que, après des mois fous d’incerti tude, sa maman a appris que papa ne reviendrait plus jamais de la guerre. Le maître ne lui pose aucune question, mais il s’est penché et, sur ce front soucieux, dépose un long baiser, vrai baiser paternel qui fait fondre le pauvre petit coeur brisé si tôt par le malheur. Toute l’école a compris la douceur du geste et nul aujourd’hui ne songe à être, si peu que ce soit, jaloux du a préféré ». Le cloche a sonné. Chacun, sans qu’il soit besoin de réprimande, a gagné son banc. Voici la première classe depuis l’armistice et la défaite. « Notre premier devoir, dit .'ins tituteur, est d’honorer nos morts, tous ceux qui sont tombés sur les champs de bataille, Nous les unirons, ceux de 14 et ceux de 39, dans cette minute de silence que nous aUons observer. Levez-vous, mes en fante. » Dans cette classe si exiguë et si pauvrement meublée, il y a eu sou dain plue qu’un homme et des en fants i une véritable et sainte gran deur, l’âme ardente faite de tous les morte, de tous les sacrifiée, paaee entre ces quatre mure. Si l’on a pu dire que l’humanité eet fermée de plus de morts que de...

À propos

Au début simple déclinaison à prix modique du journal La Gironde, La Petite Gironde devient de plus en plus autonome à la fin des années 1880, lorsque sa diffusion dépasse – et de très loin – celle de son vaisseau-mère pour atteindre les 200 000 exemplaires à l'orée de 1914. Centriste modérée à l'origine, sa ligne éditorialse se droitise au fil des ans, jusqu'à devenir proche de celle de L'Action française dans l'agitation de la Première Guerre mondiale. Sans surprise, le journal sera collaborationniste en 1940, puis interdit en août 1944.

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