Extrait du journal

par Jean VIGNAUD président de la Société des gens de lettres. On sait peu de choses, si l'on veut bien y réfléchir, sur le monde fermé que constituent les douze cent mille prisonniers français des Oflags et des Stalags. Nous som mes au courant de leurs désirs, de leurs projets, seulement par leur correspondance, et 11 est bien difficile de s’éten dre quand on n’a pour le faire que - les dimensions fort restreintes d'une double carte postale. Le prisonnier a plume ou le crayon parait dans chaque camp. rappellent ceux que nous rédigions dans l’autre guerre. J’en reçois quelques-uns; J’y retrouve les mêmes poèmes, les mêmes contes, les mêmes plaisanteries aussi; ce qui prouve que l’esprit d’un peuple ne change guère. Pourtant, on démêle dans ces proses et ces vers un sentiment plus profond, fait de douleur et d’amertume. Il existe également un Journal en français : le Trait d’Unlon, imprimé celui 1|, qui circule dans tous les camps; 11 contient des articles d’un genre plus sérieux, plus élevé, en même temps que des renseignements d’ordre K, qui doivent être connus de tous. Tels sont les tx auxquels les prisonniers confient leurs rêves, rojets leurs colères, mais ces feuilles ne sont lues que par les prisonniers eux mêmes. Il y avait là une lacune, qui vient d être heureuse ment comblée. Une nouvelle collection littéraire : le» Cahiers des captifs, s’est donné la mission de répandre la pensée des prisonniers! d’établir une communication entre eux et le dehors, entre eux et tous les Français, par-dessus les fils barbelés. De leurs camps, ils nous adressent des messages- Il faut qu’on les entende. Que disent-ils ? i ‘ . Les prisonniers voudraient d'abord que nous chan gions nos manières vis-à-vis d’aux; que nous perdions ce ton de patronage en leur parlant, que nous cessions de les traiter comme des malades ou des enfants. Car ils sont des hommes plus endurcis, plus résolus que nous; des hommes que la souffrance et la solitude ont obligés à se replier sur eux-mêmes, à faire oraison. Leurs deux années de captivité les ont modifiée, repétris et c’est de leur expérience humaine qu’ils souhaitent nous faire profiter. (Voir la suite en quatrième page.)...