Extrait du journal
Tout arrive. Les peintres et»les sculp teurs avaient cherché jusqu’à ce jour à se faire un nom en signant leurs œuvres. On va changer tout cela dans un Salon qui s'ouvrira bientôt à Paris, et où les envois ne seront pas signés. Comme ça. le public et la critique, les amateurs et les mar chands ne seront pas influencés par le nom. Les inconnus, les méconnus feront la pige aux célébrités. C'est l'œuvre qui se défendra toute seule, et môme s’impo sera. Les vedettes, les as, les académi ciens, l'Institut perdront du coup leurs privilèges Voilà le but. Vous sentez bien que le coup vient des malins et des pressés qui estiment que les ainés ou les arrivés encombrent les cimai ses, se partagent les achats et les grosses cotes. Ils voudraient bien les rattrapper sur la piste de la gloire. En supprimant le nom, on espère enlever à la marque sa supériorité sur le marché. Et le dernier des barbouilleurs, avec un tableau à scandale ou une parodie et la Complicité des camarades « tombera » René Ménard. Jacques Blanche, Maurice Denis et autres seigneurs de bien mince importance en face d’un fumiste à froid décidé à se payer la tête des maîtres — et du public. Car il n’y a pas l'ombre de sincérité dans le lancement du Salon anonyme. Les derniers venus de talent, que chacun con naît et apprécie, auraient mauvaise grâce à se plaindre de la critique et du public. Il n'y en a guère que pour eux mainte nant dans la plupart des journaux. C’est à qui découvrira et exaltera le maître de demain. Si bien que nous avons mainte nant quatre ou cinq révélations par mois, ce qui ne laisse pas d’être lourd à la mé moire. Un nom chasse l’autre. La course à la publicité ainsi comprise devient un sport aussi inutile que fastidieux. Le Salon anonyme n'aura aucun sens d’abord parce que l’anonymat n’en est pas un pour les organisateurs, les camara des, les critiques, les amis des amis des marchands, etc. Il n’aura aucun succès commercial, parce que les acheteurs sont aujourd’hui des joueurs qui spéculent sur les toiles des « nouveaux » comme %sur des valeurs de Bourse, et veulent être ren seignés, ou se croire tels. D’autre part, les peintres de valeur qui ont une personnalité aisément reconnais sable s’abstiendront. Qu’iraient-ils faire dans la foire anonyme, et pourquoi cache raient-ils un nom que tout le monde met tra sur leurs tableaux ? Il s’agit donc simplement de servir les ambitions, les rancunes et les impuissan ces de vieux ratés ou de jeunes fauves qui sc sentant incapables de se faire un nom. réclament la mort de la signature. Nous aurons, pendant huit jours, sept ou huit grands maîtres de plus. Mais pour être lo giques avec eux-mêmes, ils se refuseront énergiquement à laisser jamais publier leurs noms, n’est-ce pas ? Ils traverseront la vie avec un numéro d’ordre ? C’est là où nous les attendons. Et d’ailleurs, qui pourrait être dupe d'un bluff aussi puéril ? P. B....
À propos
Au début simple déclinaison à prix modique du journal La Gironde, La Petite Gironde devient de plus en plus autonome à la fin des années 1880, lorsque sa diffusion dépasse – et de très loin – celle de son vaisseau-mère pour atteindre les 200 000 exemplaires à l'orée de 1914. Centriste modérée à l'origine, sa ligne éditorialse se droitise au fil des ans, jusqu'à devenir proche de celle de L'Action française dans l'agitation de la Première Guerre mondiale. Sans surprise, le journal sera collaborationniste en 1940, puis interdit en août 1944.
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