Extrait du journal

toutes les directions. En route pour les ex cursions 1 Une amazone suit, Jeune, heu reuse do vivre, s'épanouissant à cette heure matinale comme une fleur du parterre où elle a passé la veille une partie de la soirée, rêvant aux triomphes quo, dans les fêtes prochaines, elle ne peut manquer d’obtenir. Déjà les premières maisons apparaissent. Une foule de gamins accourent au-devant de vous. Ils demandent l'aumône, mais ils n’ont point l’air triste. Les riches malades qui sont venus chercher un adoucissement à leurs maux au milieu do nos bienfaisan tes montagnes sont généreux cette année. Les gros sous pleuvent chaque jour sur la route, où nos petits mendiants so les dispu tent. Parfois, une fillette moins forte, moins alerte, n’a rien pu recueillir des oboles je tées par les passants. A travers ses cheveux épars, ses yeux sont prêts à se mouiller do larmes. Encore un bon mouvement ! Quel ques sous do plus, et vous entendrez alors jacasser gai ment tout ce petit monde, bien inconscient, à coup sûr, des ennuis qu'il peut vous causer. La station thermale est riche, opulente. De magnifiques maisons s'alignent sur les deux côtés d’un large boulevard planté d’arbres. I)e splendides hôtels vous invitent à entrer. Des affiches vous annoncent une représentation avec des artistes en renom. Musique partout : les plaisirs abondent. Est-ce là ce quo vous êtes venu chercher dans les montagnes ? Allons donc! Si la ma ladie ne vous retient pas près des eaux sa lutaires que la grande nourrice laisse échapper de ses flancs maternels, ne restez pas à la ville. Repartez lo lendemain matin. Gravissez les sentiers qui se dessinent en rubans tout autour des montagnes. Vous verrez les horizons succéder aux horizons ; vous laisserez en bas les forêts dont bientôt les cimes disparaîtront à vos yeux ; vous escaladerez les rochers nus où de rares fleurs montrent timidement leurs corolles pâlies; vous verrez, montant d’un trait vers les nuages, ou tournoyant en décrivant d’immenses spirales, les aigles que la halle du chasseur menace souvent en vain. Encore quelques pas. Au pied des pics où la neige étincelle, s’étend le lac aux eaux limpides, vaste abîme où dort le mystère, où l’esprit s’anéantit. e% Oui, partir, s’en aller loin, bien loin, de mander à la nature, éternelle consolatrice, un peu de cette force, de cette vigueur qui la font paraître à nos yeux toujours jeune, toujours flère, jamais lasse, toujours prête aux recommencements ! Aller prendre un bain fortifiant d'espérance, aller puiser aux sources mêmes de la vie! C’est là mon souhait, pour mol et pour tous ceux quo J’aime. Gabriel ROUTURIER....