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La Petite Gironde, 13 janvier 1894

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La Petite Gironde
13 janvier 1894


Extrait du journal

• Le beau geste » de Vaillant avait donné carrière à nombre de divagations amoureu sement ciselées par nos dilettantes dans la tiédeur d’une luxueuse garçonnière. Le « verbe b des jures, la condamnation à mort de/Vaillant a ouvert touUÿ les écluses à cellç 1 littérature de brasserie. Le prurit d’origina lité, à défaut de talent, la rage de se draper dans des proses terrifiantes, de se camper dans des attitudes de cabotins de lettres, hantés par le souci de l’effet quand même, l'éréthisme de ( impuissance expliquent, sans l’excuser, la complicité des mandarins. Mais la terreur de voir les bons petits camarades « faire l'article », pousser un cri qui fera retourner le passant, décide de vrais littérateurs à barboter dans ces proses faciles. M. Maurice Barrés n’a jamais dédaigné le coup de gong. Aussi pubiie-t-il ce matin dans le Journal un article intitulé : « Point de vue philosophique », où il est expliqué que si Vail lant fut un terroriste, chacun de nous l’est plus ou moins : « Et moi-môme, qui regrette le terrorisme, au service do quelle cause qu'il se montre ; moi. qui n’ai pas plus de sympathie pour le général G a rein, qui assassine Minière, que pour Vaillant, qui dynamite, serais-je sûr, le cas échéant, de résister â cette tentation qu’ont tous les hommes do faire œuvre de justicier? Si quelqu’un, par impossible, me disait : « Dressez une liste do cinquante déttputésde votre choix, et ils seront fusillés dans » les vingt-quatre heures, » aurai-je l’énergie de repousser la plume ? (Notez que si je dis une liste de cinquante, c'est pour ne pas paraître trop ambitieux ; mais, ma liste dres sée, je m’apercevrais, comme toujours, que j'ai eu des défaillances de mémoire.) » M. Barrés confond la politique et la littéra ture comme il le faisait à la Chambre. C'est dans le monde des lettres que ce rêve a été fait souvent, et M. Barrés a dû l’entendre au petit café. Il n’y a pas un gendelettre qui ne supprimerait avec ivresse scs meilleurs amis pour demeurer seul, tête à tète avec les éditeurs. C’est le nouveau jeu des petits féro...

À propos

Au début simple déclinaison à prix modique du journal La Gironde, La Petite Gironde devient de plus en plus autonome à la fin des années 1880, lorsque sa diffusion dépasse – et de très loin – celle de son vaisseau-mère pour atteindre les 200 000 exemplaires à l'orée de 1914. Centriste modérée à l'origine, sa ligne éditorialse se droitise au fil des ans, jusqu'à devenir proche de celle de L'Action française dans l'agitation de la Première Guerre mondiale. Sans surprise, le journal sera collaborationniste en 1940, puis interdit en août 1944.

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