Extrait du journal

Paris, 12 janvier. La psychologie d* s p< uplca o-t d'une con ception et d’une exécution malaisées. X"en déplaise à M. Fouillée, qui s’y est applique, ce travail est encore à faire. Un de mes amis les plus regrettés, Auguste Brochet, est mort avant d’avoir pu mettre en œuvre 1rs docu ments de choix qu’il avait assemblés dans la préparation de cette grande étude. Bravhet était en mesure d- la mener à bien. Il avait une vaste érudition, une pé nétration subtile, do» vues originales ; enfin, il avait visité en observateur attentif la plu part des pays de l'Europe. Peu de temps avant sa mort, il me fit part de son intention de publier quelques-unes de ses notes dans une revue qu'il me désigna. Ces notes seules étaient déjà un régal de gourmet. Que sont-elles devenues ?... Jusqu'à présent, la nation française s’est contentée de peu de choses en fait de psychologies nationales. Il lui a suffi de savoir que l'Allemand est pesant et obstiné, com me l’Anglais est audacieux et perfide ; que le Turc est très fort ; que l’Espagnol est courageux et plein de morgue, alors que le Portugais est toujours gai: que l ltalien est un homme brun dont la principale occupa tion consiste, à danser la tarentelle autour des volcans en mangeant du macaroni sous un ciel toujours bleu. Quant à nous-mêmes, Français, nous nous proclamons : « vains, changeants et légers. » Eh bien ! c’est une erreur. Nous sommes peut-être vains et légers, mais nous ne som mes pas aussi changeants qu’il nous plaît de le proclamer. Nous avons même un certain penchant a nous cramponner a une idée et à n’en pas vouloir démordre ; surtout quand il s'agit d'une idée fausse. J'en trouve une preuve nouvelle dans le dénombrement national qui se prépare et qui sévira en sa plus redoutable acuité aux pro chaines ides de mars. Dans cette période fa tale, des milliers d'hommes stipendiés sc courberont sur des millions de feuilles de recensement. Ils fournirent à d'autres hom mes pâles les éléments d'additions de jour en jour plus longues. On dépensera à ce tra vail beaucoup de peines et d argent ; le tout pour parvenir à établir aux yeux du monde civilisé la mollesse inqualifiable avec la quelle nous repeuplons. Que notre situation soit déplorable au point de vue démographique, cela ne sau rait faire l’objet d'un doute. Notre popula tion demeure à peu près stationnaire, alors qu'au tour de nous des peuples prolifiques croissent et multiplient avec une abondance dont le pullulement des sardines et des ha rengs ne donne qu’une idée affaiblie. F.n présence d<- cette situation d'infériorité, quelle devrait être la conduite rationnelle de.; Français? 11 n'est rien au monde de plusimple. Les Français n'auraient qu’à garder le silence sur la diminution continue d : leurs forces. Quand une maison de com merce traverse une phase critique, elle se garde d'aller le crier sur les toits. Elle sait qu'il lui en cuirait de proclamer a son de trompe que le chiffre de sv-s affaires et que son crédit diminuent ! Mais les Français se sont mis en tête de démontrer à grands fiais qu'ils perdent de plus en plus leurs avantages numériques. Et ils y mettent une application et des soins infinis. Si les recenseurs qui dans quelques jours vont une fois de plus entrer en campagne s’avisaient de s’occuper, pendant ce tempslà. à repeupler au lieu de s'acharner à dé montrer. pièces en main, que nous ne re peuplons pa*-, od obtiendrait déjà par ce seul fait des résultats considérables ! Seulement, le pli est pris, et le Français,...