Extrait du journal

ûettres Parisiennes Paris, 13 août. La femme est un être faible et généra lement tendre que la mode rend offensif. Elle perd toute retenue quand la mode a parlé ; c’est une sorte de servage passionné, une immolation de soi-même — et d’autrui. Depuis quelques années, les dames por tent entre leurs bras leur parapluie fermé, comme Polichinelle tient son bâton. La poignée de ces parapluies affecte tantôt la forme d’une petite crosse d’argent, tantôt celle d’une tête de lapin ou de canard. Quand, sur la voie publique, les femmes pivotent, font demi-tour sur elles mêmes, le passant qui les côtoie à ce moment a plus de chance de recevoir dans l’œil le canard ou le lapin que de gagner le gros lot à la loterie. A ce premier danger d’être éborgné est venu s’en joindre un autre plus grave en core. Je fais allusion aux épingles chaque jour plus démesurées dont la plus belle partie du genre humain se sert pour fixer dans son chignon les immenses chapeaux qui nous ramènent au temps glorieux du premier Empire. Ces épingles sont moins des épingles que des épées. Il ne se passe point de jours que l’on n’ait à enregistrer quelque accident causé par ces petits glaives mou vants. Ce ne sont que joues balafrées, œils crevés, déchirures de toutes sortes. Récem ment, dans un omnibus, une voyageuse, se couée par un arrêt subit du véhicule et projetée de mon côté, m’a lardé le cou juste au-dessous de l’oreille. Au lieu de m’en témoigner quelque regret, elle m’a foudroyé d’un regard qui semblait dire : — Maladroit ! Vous ne pouviez donc pas. vous garer? Sans doute la blessure n’avait rien d’in quiétant, mais enfin, il n’en faut pas da vantage, quand on va sur le terrain, pour que l’honneur soit satisfait 1 Moi, je ne l’étais guère. I>es Allemands, qui ne poussent pas comme nous la galanterie jusques aux con fins du ridicule, ont improvisé un règle ment défensif. La dimension des épingles à chapeau ne peut dépasser chez eux une longueur déterminée. Me préserve le ciel de chercher à con trarier les divines créatures qui sont à peu...