Extrait du journal
M. Léon Gambetta /prend la parole en ees termes : Mes chers concitoyens, Je ne puis pas me trouver devant vous, à l’heure où nous sommes, alors que la fortune semble reve nir sous le drapeau du droit et de la République, sans sentir mon esprit invinciblement reporté vers les heures tragiques où nous avons fait connaissan ce, et je crois qu’il est bon-de revenir ensemble sur ce passé, à la fois si près de nous, si douloureux, et que cependant, grâce à son génie, à sa vitalité, à sa sagesse, la nation tout entière s’apprête à réparer, jusqu’au point de confondre et d’émerveiller le monde par la promptitude avec laquelle elle se re lève de ses désastres, suites fatales de l’empire. Oui, bien que l’heure soit, à beaucoup de points de vue, joyeuse pour des cœurs français, bien que l’a venir se présente sous des couleurs plus riantes, je crois qu’il est bon de se dégager momentanément de ces sujets de consolation et d’espérances patrio tiques pour revenir, dans une ville comme Bor deaux, qui fut le siège do ce gouvernement du dé sespoir et de l’honneur extrême de la patrie, pour revenir sur les enseignements que contient pour la nation française l’histoire des six ou sept derniè res années. En même temps que nous pourrons y trouver une force nouvelle pour persévérer avec énergie, avec fermeté dans la voie que nous nous sommes ouverte, nous y puiserons aussi peut-être des enseignements de nature à arracher à ceux qui s’obstinent dans les illusions du passé et dans les stériles regrets de dynasties à jamais condamnées par les malheurs qu’elles ont attirés sur le pays,des enseignements, dis-je, capables de les arracher à leur indifférence ou à leur criminelle complicité avec des régimes renversés. (Applaudissements.) C’est pour cela, messieurs, que je n’ai pas voulu quitter Bordeaux sans vous entretenir. L’accident si extraordinaire arrivé hier a empêché notre réu nion; je ne sais s’il faut le regretter ou s’il ne vaut pas mieux s’en applaudir ; car, lorsque la sympathie atteintde pareilles limites, on est toujours embarras sé pours’en plaindre. C’est pour cela, dis-je, que j’ai tenu à vous réunir. Ce n’est pas en aussi grand nom bre que je l’aurais désiré. J’aurais voulu pouvoir m’a dresser à cette patriotique cité tout entière, comme j’ai eu occasion de le faire, il y a cinq ans ; j’aurais voulu pouvoir, même pour le plus humble des au diteurs, exposer la politique que j’ai suivie depuis ces cinq ans, la politique dont j’avais regardé, au lendemain même de nos désastres, au lendemain de nos insuccès dans la défense nationale, la ville de Bordeaux comme le point de départ, l’origine et la source. Je tenais à redire, devant vous, avec un certain fsentiment de fierté personnelle, que rien n’est venu démentir le programme que je vous avais apporté au 29 juin 1871. Je tenais à vous dire et à vous prouver que, vous aviez devant vous le même homme, le même caractère, la même doc trine, la même conduite. (Applaudissements ré pétés.) « Messieurs, il n’y avait qu’à Bordeaux que je pou vais véritablement envisager et juger l’ensemble de cette situation. C’est à Bordeaux, en effet, je ne l’oublierai jamais, que j’ai rencontré cette sympa thie et cet appui patriotiques qui, de là, se sont répandus sur le reste du territoire, et nous ont permis, à nous, qui n’avions d’autre titre qu’un at tachement ardent à la France, — que dans nos préoccupations nous ne séparions pas de la Répu blique, parce que nous ne pensions pas qu’il pût y avoir de salut pour la patrie en dehors du gouver nement nécessaire d’une démocratie libre; —je dis que c’est à Bordeaux que nous avons rencontré cet appui, ce concours, cette énergie qui, se répandant sur le reste du pays, ont permis de lutter pendant six mois à un gouvernement improvisé, à un pays abandonné, trahi par ceux qui, pendant dix-huit ans, l’avaient exploité, ruiné, sucé jusqu’aux moelles, par ceux qui l’avaient laissé désemparé et désarmé devant l’invasion, qui avaient jeté comme des troupeaux sous le joug de l’ennemi ses armées désorganisées. C’est dans Bordeaux qu’il nous a été permis d’inaugurer une politique de résistance, de vaillance patriotique, qui, dédaignant les calomnies et les accusations des coalitions, les défiances, la couardise, poussait la nation à la guerre, non pas pour y faire œuvre de conquérant, mais pour y faire œuvre de défense nationale et lutter à outrance fiour la patrie entamée, ne reconnaissant à personne e droit de céder une motte de la terre française sans l’avoir disputée jusqu’au bout. (Bravos pro longés.) Ce gouvernement installé à Bordeaux a été, de puis, l’objet do toutes les accusations, de toutes les injures et de tous les outrages, qui lui ont été adressés à l’encontre de la vérité et du sentiment national, que dis-je? à l’encontre même du senti ment des populations étrangères, qui, ô honte ! ont rendu à ces efforts suprêmes de la France une jus tice que des Français, peut-être indignes de ce nom, lui marchandaient ou lui refusaient! (Nou veaux applaudissements.) Et ce n’est pas seulement au point de vue de ce gouvernement improvisé...
À propos
Au début simple déclinaison à prix modique du journal La Gironde, La Petite Gironde devient de plus en plus autonome à la fin des années 1880, lorsque sa diffusion dépasse – et de très loin – celle de son vaisseau-mère pour atteindre les 200 000 exemplaires à l'orée de 1914. Centriste modérée à l'origine, sa ligne éditorialse se droitise au fil des ans, jusqu'à devenir proche de celle de L'Action française dans l'agitation de la Première Guerre mondiale. Sans surprise, le journal sera collaborationniste en 1940, puis interdit en août 1944.
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