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La Petite Gironde, 16 mai 1895

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La Petite Gironde
16 mai 1895


Extrait du journal

U faut rendre à M. Ribot cette justice que dans son discours du 11 mai il n’a rien dissimulé des embarras de la situation actuelle. Avant de partir pour Bordeaux, il avait mis la dernière main au projet de budget pour 1890, et toutes les difficultés avec lesquelles il venait d’être aux prises, tous les expédients qu’il avait dû imaginer, tous les efforts qu’il avait faits pour réaliser un précaire équilibre obsédaient trop en core sa pensée pour qu’il ne fût point porté à en faire la confidence à un auditoire sym pathique qui lui a su gré de sa franchise, qui a plaint ses peines, qui a loué son ingé niosité, et qui a souhaité à une œuvre si ingrate et si laborieuse de trouver grâce devant le Parlement. Mieux encore que les convives du ban quet de Bordeaux, les membres des deux Chambres sont convaincus que la tâche était malaisée, et l’on n’en trouvera point d’assez injuste pour contester au maître ouvrier ni sa science, ni sa bonne volonté. Je serais bien étonné pourtant si, quand il s’agira de nommer la commission du bud get, le projet de loi de M. Ribot trouvait plus de faveur, plus d’approbation, plus d’appui que n’en rencontra, on se le rap pelle, le projet de M. Burdeau. Comme celui-ci, il annonce le très ferme et très démocratique dessein d'épargner l’humble travailleur et de demander une contribu tion plus considérable, un plus lourd sacri fice à la richesse acquise. Comme lui, il se refuse à atteindre directement et d’une façon progressive les revenus individuels, et il se propose de ne frapper la fortune et le luxe que par les signes extérieurs qui les révèlent. Nous voyons reparaître la taxe sur les domestiques, qui, il y a un an, fut assez froidement accueillie. Graduée d’après l’importance des villes et d’après le nom bre des serviteurs employés, cette taxe, dont le ministre attend un produit de dix millions, ne pourrait être tolérable, sinon tout à fait équitable, qu’à la condition de multiplier, dans les articles qui lui seront consacrés, les clauses d’exception. Il en est une qui s’impose à première vue : Com ment admettre qu’une famille nombreuse, où la mère ne peut suffire aux soins à don ner à tous ses enfants, se voie frappée d’un impôt somptuaire pour s’être adjoint une domestique, non par luxe ou paresse, mais par nécessité? I)’une manière générale, il peut paraître étrangement dur (mais c’est toujours la classe moyenne qui est le plus cruellement frappée!) de frapper d’une taxe, comme signe de richesse, la présence d’un serviteur dans un logis. Si la loi a de telles sévérités, on verra tout aussitôt (sera-ce un progrès ?) dimi nuer et devenir de jour en jour plus rare l’emploi des domestiques attachés à la per sonne, auxquels se substituent des merce naires loués à tant par heure, chacun pour une besogne déterminée : ce sont mœurs américaines. Je ne souhaite pas que ce soi >nt de longtemps mœurs françaises D’ailleurs, le riche, le grand propriétaire...

À propos

Au début simple déclinaison à prix modique du journal La Gironde, La Petite Gironde devient de plus en plus autonome à la fin des années 1880, lorsque sa diffusion dépasse – et de très loin – celle de son vaisseau-mère pour atteindre les 200 000 exemplaires à l'orée de 1914. Centriste modérée à l'origine, sa ligne éditorialse se droitise au fil des ans, jusqu'à devenir proche de celle de L'Action française dans l'agitation de la Première Guerre mondiale. Sans surprise, le journal sera collaborationniste en 1940, puis interdit en août 1944.

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