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La Petite Gironde, 17 mars 1878

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La Petite Gironde
17 mars 1878


Extrait du journal

La loi sur l’état de siège. La journée d’hier a été excellente au Sénat. Non-seulement la droite a échoué dans son entreprise tendant à appliquer légalement l’état de siège à l’état de paix civile, mais sa défaite a pris les proportions d’une déroute. L’article 1er de la commission été repoussé par 162 voix contre 118. C’est assurément la première fuis qu’une proportion libérale et d’un caractère éminemment politique obtient au Sénat une majorité de 44 voix. Mais c’est le vote sur l’ensemble de l’article 1er tel qu’il a été arrêté par la Chambre des députés qui a signalé la débandade de l’opposition de droite. C’est par 62 voix de majorité que le principe fondamental essentiel, le principe inséparable de l’état de civilisation — l’état de siège limité aux deux cas de guerre étrangère et d’insur rection armée — a été finalement inscrit au frontispice de la nouvelle loi. Le succès est grand à tous égards, et nous sommes persuadés que le pays en accueillera la nouvelle avec un sentiment de satisfaction profonde. C’est à M. Dufaure et à M. Bocher qu’appartiennent les honneurs de la séance. Nous ne pensons pas que M. le Président du conseil ait prononcé dans sa longue carrière beaucoup de discours supérieurs à celui qu’il a fait entendre hier au Sénat. Il se distingue par une fermeté, une vigueur d’esprit, une force et une élévation de pensée vraiment admirables quand on réfléchit à l’âge et au passé de M. Dufaure. Le vétéran du libéralisme parlementaire a trouvé pour défendre les droits imprescrip tibles du citoyen d’un peuple libre des accents d’une chaleur, d’une puissance et d’une fierté superbes. La liberté, qui avait été la foi de sa jeunesse, mais dont le souci des intérêts conservateurs semblait parf >is avoir attiédi le culte dans son âme, paraît redevenue, depuis le 16 mai et le 14 décembre, la noble passion de la vieillesse de M."Dufaure. On sen tait une indignation contenue mais profonde dans sa magistrale réplique à ceux qui préten dent faire de la suppression des droits sacrés du citoyen un moyen commun de gouverne ment, quelque chose comme une mesure de police ordinaire. M. le Garde des sceaux s’est vanté de n’être pas de ceux qui n’apprennent ni n’oublient rien, et il a fait mieux que l’affir mer, il l’a prouvé. Le 2 Décembre 1851 et le 16 Mai 1877, le coup d’Etat perpétré et le coup d’Etat avorté lui ont appris qu’il avait peutêtre eu tort, en 1849, de trop sacrifier aux ga ranties de l’ordre les garanties de la liberté. M. Bocher a pris la parole à son tour, pour justifier !a résolution prise par lui-même et par ses amis du groupe constitutionnel de repousser le contre-projet de la commission. Le discours de M. Bocher est en quelque sorte le manifeste politique des dissidents de l’ancien centre droit. Autant que nous en pouvons juger par une analyse un peu. sommaire, il répond à ce qui avait été dit de l’ordre d’idées dans lequel se plaçaient les honorables membres du centre droit sénatorial. M. Boch°r et ses amis enten dent considérer comme définitifs les résultats de la grande lutte de l’an dernier. Ils estiment que les nécessités de la situation du pays, que la manifestation évidente de ses volontés, que le souci du fonctionnement régulier et paisible du régime constitutionnel imposent aux con servateurs sincères le devoir de s’incliner et de donner un concours loyal au ministère. C’est la raison politique du vote qu’ils se proposent d’émettre. Nous avons à peine besoin d’insister sur l’importance considérable de cette attitude dès à présent certaine du groupe constitutionnel. M. Bocher et ses amis avaient entre les mains le moyen de rendre définitivement au p^ys le calme d’esprit, la confiance, la sécurité perdus depuis le 16 mai. Il dépendait d'eux de rendra...

À propos

Au début simple déclinaison à prix modique du journal La Gironde, La Petite Gironde devient de plus en plus autonome à la fin des années 1880, lorsque sa diffusion dépasse – et de très loin – celle de son vaisseau-mère pour atteindre les 200 000 exemplaires à l'orée de 1914. Centriste modérée à l'origine, sa ligne éditorialse se droitise au fil des ans, jusqu'à devenir proche de celle de L'Action française dans l'agitation de la Première Guerre mondiale. Sans surprise, le journal sera collaborationniste en 1940, puis interdit en août 1944.

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