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La Petite Gironde, 18 août 1913

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La Petite Gironde
18 août 1913


Extrait du journal

Bar-lo-Duc, 17 août. — Le Président de la République a été l'objet aujourd'hui de l’ac cueil public qui pouvait être le plus cher à son cœur : c’est celui que lui ont fait ses compatriotes. Dans ce coin de Lorraine où il est né, où 11 a grandi à la vie politique, ç’avait été un tressaillement d’allégresse et de fierté quand le Congrès de Versatile* l'avait élevé à la plus haute magistrature: aussi, la première invitation de province qui était parvenue au nouveau Président était celle du pays natal. M. Poincaré l’avait reçue et acceptée avec une Joie émue. Un deuil filial particu lièrement cruel l'avait contraint à ajourner ce voyage, qui était pour lui — et pour ceux de la-bas — une fête cardiale entre toutes. Elle venait à échéance aujourd’hui. Le Lorrain n’est pas un démonstratif. Il se livre très peu, et seulement après mûre ré flexion. Bar-le-Due a dans ses armes trois pensées et deux poissons, qui sont symboli ques et explicatifs par un jeu de mots de la devise, qui est : « Plus penser que dire. • Par là, Lis eo sont définis eux-mômes. Eh bien 1 ces gens-là ôtaient transformés, mé connaissables aujourd’hui. Ces Lorrains, ré servés jusqu’à la froideur, ont fait une ré ception ardente à leur compatriote. Tout le temps qu’il est passé parmi eux entre les haies épaisses qu’ils avaient faites sur sa route, les vivats ont retenti à son adresse. L* Lorraine aujourd’hui vous a donné son [cœur, avait dit une fillette au Président, dans le traditionnel compliment de bienvenue qui salue tout chef de l’Etat. Et de fait, les Lorrains se sont donnés dans une même acclamation spontanée et chaleureuse. Us avaient fait plus : tout au long des rues de la petite ville à travers laquelle romain étire son ruban vert sous l’ombrage des arbres séculaires, Us avaient accompli des petites merveiUes de décoration. Je n’ai pas souvenir d’avoir vu semblable floraison de drapeaux, de guirlandes, d’oriflammes, de fleurs. Ils s’étalent dépensés avec une prodigalité et une Ingéniosité qui avaient quelque chose de touchant. Visiblement, on avait voulu que nulle part on ne pût faire plus. Il fallait qu’on sentit que c’était comme « quelqu’un de la maison » que l’on recevait, et sur tout cela, sur ces arcs de triomphe, sur cette masse claquante à l’œil de trois couleurs et de verdures, s’épandalt la lumière éclatante tombée d'un ciel su perbe, et qui portait plus encore à l’allé gresse. I.e programme, fait invraisemblable, n’é tait pas un de ces effroyables programmes auxquels les présidents de République sont Inexorablement condamnés. Arrivé le matin de sa villégiature voisine de Sampigny avec le président du conseil, M. Louis Bartliou, qui lui aussi eut un succès justifié par son action opiniâtre dans la discussion de la loi de trois ans, dont Ici plus qu’ailleurs on a éprouvé la rude nécessité, le Président s’est rendu à la préfecture. Là, 11 a pris contact avec les autorités civiles et militaires et les corps élus, mais il n’a pas fait de discours; à peine une brève allocution aux profes seurs du lycée et aux Instituteurs pour leur dire: « Je veux porter le témoignage public que vous êtes tous de dévoués fonctionnaires et des républicains excellents. » En dehors de cela, rien que des mains pressées et de ra pides paroles affectueuses à de vieux amis. Quand il ee retrouva dans le petit cercle des conseillers généraux, parmi lesquels ceux qui furent à l’orée de sa carrière poli tique (du temps où, à vingt-neuf ans, il en trait au Parlement), il leur dit: «Je n’ai pas. voulu de discours. Vous me connaissez. Je sais qui vous êtes. Cela noue suffit, n’est-ce pas 7 » *'...

À propos

Au début simple déclinaison à prix modique du journal La Gironde, La Petite Gironde devient de plus en plus autonome à la fin des années 1880, lorsque sa diffusion dépasse – et de très loin – celle de son vaisseau-mère pour atteindre les 200 000 exemplaires à l'orée de 1914. Centriste modérée à l'origine, sa ligne éditorialse se droitise au fil des ans, jusqu'à devenir proche de celle de L'Action française dans l'agitation de la Première Guerre mondiale. Sans surprise, le journal sera collaborationniste en 1940, puis interdit en août 1944.

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