Extrait du journal
Le Bombardement vénéneux. En écrivant ce titre, j’ai l’impression d’entreprendre un pastiche d’une des bou tades de l’inimitable et défunt Alphonse Allais. Et pourtant, l’idée qu’il représente n’est pas d’un humoriste ou d’un illuminé : elle est aujourd’hui chère à quelques offi ciers de marine, et fait en certains mi lieux l’objet de vives discussions et de con troverses touffues. C’est une occasion pour nous de saisir un des aspects de la mentalité inquiète et nerveuse du personnel maritime. Souvent, ici, j’ai déploré qu’il ne soit ni assez cu rieux des progrès réalisés à l’étranger ni assez soucieux d’en vérifier la réalité. Quand, par exemple, on cite un bateau étranger contemporain d’un de; nôtres qui est plus armé, plus rapide, mieux protégé et mieux approvisionné pour un tonnage égal et pour une dépense moindre, nos techniciens déclarent placidement : « Ça n’est pas vrai ! » et ils s’épargnent toute vérification. Mais qu’une hypothèse invéri fiable et basée sur des impressions ou des racontars soit émise, cela peut devenir dogme et article de foi. Telle est l’histoire de l’obus à grande capacité. Si vous me demandez ce que c’est que cet obus, je ne pourrai pas vous répondre, et cela n’a rien détonnant, car je ne suis pas technicien. Mais si vous le demandez à un technicien, — et j’ai eu cette curiosité, — il ne pourra pas vous satisfaire non plus. L’obus à grande capa cité est un engin féerique qui au dire d’un unique témoin, le commandant russe Séménof, a fait son apparition sur le champ de bataille de Tsoushlma. Ce qu’on sait de lui, c’est qu’il contient un poids énorme d’explosif, qu’il culbute sur sa tra jectoire, mais que cela ne l’empêche pas de la parcourir jusqu’aux plus grandes distances avec une précision parfaite; qu’il est d’une telle sensibilité qu’il éclate sur le moindre obstacle, les haubans de chemi née, par exemple, et enfin et surtout, qu’il dégage en explosant une telle quantité de gaz vénéneux, que l’air refoulé dans le bâtiment par les ventilateurs empoisonne le personnel des machines, lequel périt misérablement. Ainsi se termine la ba taille. Je dois à la vérité d’assurer que cette thèse appartient en propre à quelques offi ciers de marine, et que l’artillerie navale lui oppose un certain scepticisme et sur tout un ensemble d’expériences assez dé monstratives. U n’en est pas moins sur prenant de voir des hommes d’une culture...
À propos
Au début simple déclinaison à prix modique du journal La Gironde, La Petite Gironde devient de plus en plus autonome à la fin des années 1880, lorsque sa diffusion dépasse – et de très loin – celle de son vaisseau-mère pour atteindre les 200 000 exemplaires à l'orée de 1914. Centriste modérée à l'origine, sa ligne éditorialse se droitise au fil des ans, jusqu'à devenir proche de celle de L'Action française dans l'agitation de la Première Guerre mondiale. Sans surprise, le journal sera collaborationniste en 1940, puis interdit en août 1944.
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