Extrait du journal

Au Parlement français, quand une im portante minorité veut mettre en échec et renverser un ministère, elle s’efforce à le mettre en mauvaise posture sur quelque dé tail de la politique courante, de façon à provoquer sa chute accidentelle. Nous ap pelons cela : faire glisser un ministère sur une peau d’orange. M. Clemenceau pour rait vous renseigner sur l’efficacité d’un tel procédé. A la Chambre autrichienne, ce n’èst point en provoquant des glissades que l'on rond la vie dure, ou même impossible, aux membres du gouvernement : c’est en orga nisant contre leurs projets, même les plus urgents et les plus indispensables, ce qu’on appelle l'obstruction. ' L’obstruction prend des formes variées. Quelquefois, c’est le tapage pur et simple, ce que nous appelons « le chahut ». Un s’efforce de couvrir par des clameurs et des bruits divers la voix des orateurs, au besoin on introduit dans l’enceinte parle mentaire des instruments bruyants tels que sifflets, trompes d’automobiles, etc. La plus récente manifestation de ce genre fut celle que les Tchèques organisèrent il y a quelques mois, en faisant usage d’une ma chine spéciale, dite machine à imiter la finie. On plaçait cette machine devant soi, sur un pupitre ou sur ses genoux. Au mo ment voulu, on tournait la manivelle, et dès lors aucun orateur ne pouvait se faire entendre : un bruit d’averse, grondant et continu, couvrait les voix les plus claires et les plus sonores. Mais il en est du « chahut » comme de l’ironie, au dire de l’oncle Sarcey ; cela fait d’abord un petit effet, mais cela ne mène pas bien loin. La machine à imiter la pluie empêchait d’entendre les discours, mais elle ne pouvait pas, en fin de compte, empêcher les votes. On votait à la muette, mais on votait. Certains ennemis de l’art oratoire vous diront même qu’on ne votait pas plus mal. Or, il advient que le Parle ment autrichien, et le ministère présidé par M. Biencrth, se trouvent en ce moment dans une situation particulière, et telle qu’il importe surtout à l'opposition tchèque d'empêcher que certains projets de premiè re importance, tels que le budget, les trai tés de commerce, etc., soient votés avant les fêtes de Noël,afin de rendre impossible le maintien aux affaires de ce cabinet. Com ment les députés tchèques espèrent-ils at teindre ce but ? En empêchant les ministres et leurs partisans de parler en faveur de ces projets ? Pas du tout ; mais en parlant eux-mêmes d’autre chose. Un député, à la Chambre autrichienne, a toujours le droit, paraît-il, de proposer « une motion urgen te », de prendre la parole pour soutenir cette motion, et de parler aussi longtemps...