Extrait du journal
Dans un vaudeville dont je ne. me rap pelle plus le titre, un personnage, ayant lieu de sc plaindre des procédés dont on use à son égard dans une maison où il est en visite, s’écrie avec fierté : « Je vais vous montrer comment se relire un homme juste ment irrité ! » Et il s’en va en emportant la pendule. Cet homme est un original, et en même temps un sage, car la manifestation pu blique de sa colère lui vaut en outre une sorte de compensation. 11 s’alloue, rn em portant celte pendule, une indemnité pour Je dommage qu’il vient de subir, et si on le laisse faire, si on ne lance pas à scs trousses la police ou la gendarmerie, tout est pour le mieux. Riais comment qualifier la folie de ceux qui, pour manifester leur mécontentement ou leur colère, s’infligent à eux mûmes et spontanément des souffrances supplémentai res qui viennent accroître leur contingent de misères, sans porter le moindre dom mage à ceux dont ils ont ;i se plaindre? Cela me rappelle nos manifestations de collégiens lorsque, au réfectoire, pendant sept jours de la semaine, nous nous abste nions de goûter à la soupe, parce qu’elle avait été brûlée le lundi. Les garçons, im passibles sous les yeux indifférents du pion surveillant, remportaient la soupière pleine, et tout était dit. Nous n’en étions pas moins fiers en apparence, tout en restant fort penauds en réalité, d’avoir montré au cuisinier qu’on ne nous traitait pas impu nément par-dessous la jambe ! Un qui s’en fichait, de la soupe mangée ou non, c’était ce cuisinier l Or, il me semble bien que M. Stewart Gray, le chef des sans-travail de Manches ter, appartient, en matière de manifesta tion, à l’écoîe naïve des potaches protesta taires. M. Stewart Gray, nous racontent les dépêches anglaises, réclame avec une ardeur louable la concession aux ouvriers sans travail de certains lots de terre que l’on prendrait dans le parc royal de Wind sor. Or, on ne se presse point à déférer au vœu de M. Stewart Gray, et celui ci n’est pas content. Pour exprimer son méconten tement, qu’a-t-il fait, M. Stewart Gray? Est-il allé chanter pouilles au roi Edouard ? Point du tout. Est-il allé casser les villes du château do Windsor? Pas davantage. L’idée ne lui est pas même venue de don ner cette satisfaction aux vitriers sans tra vail. Voyant nu’on refusait les lots do ter rain demandés par ceux dont il est le chef, M. Stewart Gray s’est dit simplement ; « C’est bon ; puisqu’on me fait cette injure, je ne mangerai plus. » Et il a fait comme il avait dit. Le pre mier jour, il s’est borné à un petit exercic e d’entraînement, mangeant un peu de pain et de beurre et buvant une petite quantité de thé et de bière, puis il a diminué cha que jour sa ration quotidienne, et il est bien résolu à continuer. Naturellement, il a beaucoup maigri, et ses forces diminuent, mais il demeure fer me en sa résolution, et il ne modifie sa con duite que pour lui donner plus de publi cité. « Aujourd’hui, racontait un journal à la date du 15 février, l’intrépide agitateur s’est rendu au château de Windsor, où il voulait insister auprès des autorités ecclé siastiques pour que celles ci l’autorisassent à jeûner en la chapelle royale de SaintGeorges, située dans l’enceinte du château. » Les agents de service ont cherché à lui faire abandonner son projet, et ont finale ment offert de transmettre aux autorités ecclésiastiques une lettre de M. Gray, qui est sorti ensuite du château en compagnie des agents. Ceux-ci lui ont fait observer qu’il est inutile de réclamer directement au roi Edouard des lots de terre dans le parc royal, car le roi ne se charge pas person nellement de la direction de ce vaste do maine. » Cinq jours sont passés depuis lors, et je ne saurais vous dire ce qu’il est advenu de M. Gray et de son jeûne volontaire. Le journal que je citais tout à l’heure ajoutait que M. Gray avait manifesté l’intention d’écrire à plusieurs évêques pour leur de mander leur concours. b il leur a demandé de l’inviter à dîner, il y a des chances pour que sa demande soit accueillie, car les évêques sont volon tiers charitables et hospitaliers; mais s’il les a conviés à jeûner avec lui, c’est une autre affaire ; sa requête sera repoussée a l’unanimité. M. Gray appartient à cette espèce éc manifestants qu’on pourrait appeler les ma nifestants tristes. On doit les plaindre, mais ils ne prêtent guère à rire. Folie pour folie, j’aime mieux celle des manifestants gais, et je crois pouvoir ranger dans cette catégorie cet acrobate de Toulon dont les...
À propos
Au début simple déclinaison à prix modique du journal La Gironde, La Petite Gironde devient de plus en plus autonome à la fin des années 1880, lorsque sa diffusion dépasse – et de très loin – celle de son vaisseau-mère pour atteindre les 200 000 exemplaires à l'orée de 1914. Centriste modérée à l'origine, sa ligne éditorialse se droitise au fil des ans, jusqu'à devenir proche de celle de L'Action française dans l'agitation de la Première Guerre mondiale. Sans surprise, le journal sera collaborationniste en 1940, puis interdit en août 1944.
En savoir plus Données de classification - barboux
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