Extrait du journal

Entre autres conséquences bizarres mais, à mon humble avis, nullement tragiques, la séparation des Eglises et de l’Etat aura eu pour effet de poser la question du suis se... du suisse d’église, bien entendu, de cet homme à l’uniforme brillant et ga lonné, au chapeau emplumé, qui est chargé à la fois de faire la police dans l’édifice consacré au culte, et d’accroître par sa présence la splendeur des cortèges, et que les bonnes gens de chez nous appellent tout simplement porte-pique, par allusion à l’arme — toute de parade — dont il est pourvu. Or, voilà que le maire de Noyers (Yon ne) s’est avisé d’interdire au suisse de cette paroisse de paraître sur la voie pu blique dans sa tenue officielle. Qu’il re vête son uniforme dans l’église, pendant les cérémonies cultuelles, le maire y con sent; il lui permet même de brandir sa pique à son gré dans l’enceinte sacrée où il exerce ses fonctions. Mais aussitôt qu’il met le pied sur la voie publique, le suisse redevient simple citoyen, et il doit s’habil ler comme tout le monde, prétend le maire de Noyers, et se soumettre comme tout le monde à cette loi — d’ailleurs étrange et quelque peu tyrannique à mon avis — qui force les citoyens de notre pays de liberté à s’habiller « comme tout le monde». Car telle est la loi, ne vous y trompez pas. Quiconque s’habille autrement que la masse de ses contemporains est passible de poursuites judiciaires. En dehors du Car naval, on ne saurait revêtir un costume d’arlequin, de pierrot, de mousquetaire ou de chicard sans risquer un procès-verbal. Les maires, ayant la haute main sur la police des communes, sont chargés de dé terminer quel costume est licite, et quel autre est défendu....